Au matin, nous avons un souci:
où voir clair dans la nuit jamais finissant ?
Affliction nous alourdissant,
styx où l'on va croupissant.
Nous avons dû courir sus au dragon.
Nous avons appris qu'inaction n'induit pas toujours paix,
Qu'aussi tous dictats ou notions
sur la signification du mot "droit"
sont parfois loin du bon droit.
Pourtant un point du jour nous sourit
avant qu'on l'ait vu.
Disons qu'on y va.
Disons qu'on survivait dans un pays,
non pas rompu,
mais imparfait.
Nous, fils d'un pays, d'un instant,
Où un souillon au cuir noir,
hoir d'humains mis sous un joug,
qu'avait nourri un cotillon sans mari,
pourrait dans son imagination jouir du pouvoir national,
mais tout au plus discourt pour qui l'a conquis.
Soit, nous manquons d'un poli,
d'un abord parfait,
mais aussi
nous n'avons pas pour but d'aboutir à l'union dans son absolu.
Nous avons pour but d'accomplir l'union sur un horizon.
La construction d'un pays promouvant sans tabou civilisations, colorations,
individus,
conditions d'humain.
Ainsi nous portons nos visions, non sur la situation d'un instant,
mais sur la situation du futur.
Nous proscrivons la division car nous savons qu'afin d'offrir tous atouts au futur,
nous avons d'abord à bannir nos oppositions.
Nous abaissons nos poings
pour ouvrir à tous nos bras.
Qu'il n'y ait aucun tort pour aucun, mais pour tous l'accord parfait.
Qu'un fait au moins soit connu partout :
Autant nous sanglotions, autant nous grandissions.
Autant nous souffrions, autant nous croyions.
Autant nous fatiguions, autant nous risquions.
À jamais tous unis nous irons triomphants.
Non qu'on n'aurait plus jamais à subir un coup dur,
mais on n'ira plus jamais brandir la division.
Un lointain manuscrit dit qu'un jour
chacun sourira sous son plant aux lourds raisins,
soustrait aux assauts malfaisants.
Si nous voulons agir au diapason d'un si grand jour
nous vaincrons non par poignards brandis,
mais par tous ponts qu'on aura bâtis.
Voilà un jardin à nous promis,
un mont qu'on va gravir,
si nous l'osons.
Car avoir vu jour aux US nous munit,
plus qu'un nom imposant,
d'un passif dont nous nous occupons,
qu'il nous faut assainir.
Nous avons vu la faction s'acharnant à abolir la nation,
plutôt qu'à s'y unir.
Ourdissant la mort du pays, par un coup brutal au pouvoir civil.
Un plan qui a failli aboutir.
Pourtant, si tout pouvoir civil subit parfois un coup brutal,
jamais n'y saurait choir un coup fatal.
Voilà un fait sûr,
nous y croyons dur,
car nous qui nous tournons au futur,
savons l'historial miroir nous tournant un tain pur.
Nous voici au jour du rachat.
Nous pâlissions au jour prochain.
Nous nous trouvions mal instruits
pour pourvoir à un si poignant instant.
Mais par lui nous fut fourni
qu'un opus original soit accompli,
nous offrant horizons, ris.
Alors qu'avant nous voulions savoir :
aurons-nous jamais trait sur la tribulation ?
aujourd'hui nous affirmons :
jamais la tribulation n'aura trait sur nous.
Nos pas n'iront point au sort qui fut,
mais nous irons au sort qui va s'accomplir :
un pays coti mais intact,
compatissant mais hardi,
insoumis, affranchi.
Nous n'avons ni à fuir
ni à faiblir sous l'intimidation
car nous savons qu'inaction ou stagnation
sont la dot qu'auront alors nos gamins.
Pour tout faux pas,
subiront fort poids.
Mais voici un point clair.
Ajoutons l'aidant à l'adroit,
l'adroit au bon droit :
l'amour formant alors la loi
va munir nos fils d'un natif droit.
Laissons donc pour toujours un pays
plus plaisant qu'on n'a connu.
Au fur du soupir gonflant mon thorax d'airain,
nous allons accomplir, d'un pays implosant, un pays imposant.
Nous allons accourir du ponant où sont nos monts chatoyants d'or.
Nous allons accourir du pays mohican battu d'un air marin
où fut avant nous combattu pour bâtir la nation
Nous allons accourir du nord aux conurbations cotoyant d'imposants lacs
Nous allons accourir du sud rôti sous un rayon tropical
Nous allons rafraîchir, radoucir, ragaillardir.
Par tout point connu dans la nation,
par tout coin qu'on dit part du pays,
l'humain flot si mouvant si magistral apparaîtra
contus mais magistral.
Au jour naissant, nous jaillirons hors la nuit,
brûlants, hardis.
Un clair matin naît à qui nous ouvrons l'huis
car il y a toujours un fanal
pourvu qu'on ait un cran suffisant pour voir qu'il luit.
Pourvu qu'on ait un cran suffisant pour nous savoir lui.
Lors de la prise de fonctions du nouveau président des États Unis d’Amérique, un poème fut récité par Amanda Gorman. : « The hill we climb »
Il m’est venu, moi qui comme le chantait Nougaro suis blanc de peau, le désir de tenter plutôt qu’une traduction une transposition oulipienne de ce poème. Quelle contrainte choisir pour un tel texte ? J’ai pensé à un lipogramme supprimant la voyelle E, blanche d’après Rimbaud. Le texte original a pour caractéristique un fort usage de répétitions, allitérations, jeux de mots que j’ai essayé autant que possible de restituer.
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