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La fugue de la fillette

Le portail de bois noirci par les ans s’ouvrait sur un sombre passage dont la voûte basse laissait deviner à son extrémité la courette enserrée entre des murs aux pierres sculptées de figures grotesques.

On vit paraître dans la lumière empoussiérée une fillette sale et malingre serrant sur son cœur une poupée désarticulée.

Le portail de bois noirci par les ans s’ouvrait. On vit paraître un sombre passage. La lumière de la voûte basse empoussiérée laissait deviner une fillette. Sale à son extrémité la malingre courette serrait son cœur. Une poupée enserrée entre des murs aux pierres désarticulées sculptées de figures grotesques.

On vit paraître le portail. Le portail de bois noirci. La lumière empoussiérée par le bois des ans ouvrait un sombre passage à une fillette noircie par les ans. La voûte basse s’ouvrait, sombre et sale, lui laissant le passage. On devinait ses extrémités malingres sous la voûte qui la serrait. Dans la courette son cœur se laissait enserrer entre les murs dont se devinait l’extrémité des pierres sculptées.

Une poupée dans une courette, une figure enserrée entre des murs.

Sous ces curieuses pierres le portail de bois sculpté s’ouvrait sur un vieillard grotesque. Il agita des bras désarticulés et sa maigre figure, sombre dans le passage noueux, poussa un cri terrible qui résonna, grotesque, sous la voûte basse. La cour laissait deviner la fillette qui disparut à son extrémité.

On vit paraître ce curieux vieillard dans la lumière entre les murs empoussiérés. La fillette agita des pierres de ses bras sales et malingres. Serrant sur son maigre cœur une poupée à la figure noueuse, elle poussa un cri terrible qui résonna, grotesque, dans la cour. Et la fillette, désarticulée, disparut.

Un curieux vieillard agita des bras maigres et noueux, poussa un cri terrible qui résonna dans la cour.

Le portail -ce portail de bois noirci par les ans- Le portail de bois s’ouvrait sur un sombre passage. La voûte basse, le bois noirci, laissaient deviner les ans. S’ouvrait à l’extrémité du sombre passage noirci par les ans une courette. La voûte basse s’ouvrait, sombre passage enserré qui laissait deviner à son extrémité les murs de la courette. Des pierres sculptées, une voûte basse, laissaient deviner une figure à l’extrémité grotesque enserrée entre les murs. Pierres d’une courette enserrée entre des murs sculptés. Pierres sculptées de figures. De figures grotesques ! Grotesques !

Et la fillette disparut.


Grand admirateur de Jean-Sébastien Bach, que je pense être l’un des plus purs Oumupiens, j’ai cherché  -un peu à la façon de Douglas Hofstadter dans son monumental Gödel, Escher, Bach–  à quoi pourrait ressembler un équivalent littéraire d’une fugue à trois voix. La fugue a sur moi un effet presque hypnotique et je me disais qu’il pourrait en être de même en écriture. Je ne suis pas sûr d’y être parfaitement parvenu, mais c’est en tout cas très curieux comme exercice.
Dans ce texte on voit apparaître un sujet
« Le portail de bois noirci par les ans s’ouvrait sur un sombre passage dont la voûte basse laissait deviner à son extrémité la courette enserrée entre des murs aux pierres sculptées de figures grotesques. »
et un contre-sujet
« On vit paraître dans la lumière empoussiérée une fillette sale et malingre serrant sur son cœur une poupée désarticulée. »
(Une différence avec la fugue musicale est que cette seconde phrase est d’abord exposée seule avant d’être mêlée au sujet en contrepoint)
Dans le développement qui suit, un second contre-sujet fait son apparition
« Un curieux vieillard agita des bras maigres et noueux, poussa un cri terrible qui résonna dans la cour, et la fillette disparut. »
Le poème s’achève par une strette où les trois voix entrelacent le sujet, puis en l’absence de cadence, d’un court élément du second contre-sujet.
La première de ces trois phrases décrit une maison réelle vue dans un vieux village ardéchois.
Posté sur la liste Oulipo le 1er décembre 2019.

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Ô vide

Au commencement était le verbe
et l'aube viride en son délire
figea l'instinct tiède des fils d'Éli.

D'horribles grimoires signés d'esprits forts
sur l'horizon gris ont brisé le sens connu.

Au soir fondit l'ordre triste du sang
et par un poison pur vint enfin l'amer
ciel sans but où a dormi l'homme vil.

Ô vide sauvant seul nos unions
tu domines l'art le vin chaud l'amour.

Sans un son file l'insolent charme du Mal
et par un poison pur vint enfin l'amer.

Jeu de la vie à partir de la première phrase de l’évangile de Jean. Comme souvent la suite est périodique ( voir ci-dessous ). Le poème s’arrête à la première répétition.
Publié sur la liste Oulipo le 10 mars 2024.

auoeeeeaieee
eaueiieeoeie
ieaiiieeeiei
oieioieieeio
uoioioieeeou
auoioioeieua
eauoiouieiae
ieauouaoioei
oieauaeuouio
uoieaeiauaou
auoieioeaeua
eauoiouieiae

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Hommage à François Caradec

Chaque année le site Zazie mode d’emploi honore un Oulipien dont un texte est proposé à toutes les réécritures pendant un an. Cette année l’Oulipien de l’année est François Caradec, dont le texte proposé est le suivant, tiré de son recueil Les nuages de Paris :

Chanson des rues

Prenez une rue au hasard
en sortant de chez soi la première est la bonne
ce n’est pas un effet de l’art
la plus belle à Paris est celle qu’on fredonne.

Toutes les rues riment ainsi
on en fait des refrains qu’on chante dans les rues
toutes les rues disent merci
merci d’avoir chanté la ville disparue.

On trouvera ci-dessous l’ensemble de mes participations à cet hommage, à retrouver sur la page dédiée du site Zazie mode d’emploi.

19-2-2024

Aux brâmes citoyens

Au boulevard choisissez des échappées fantasques :
Gouaille, hardies invites, joyeux klaxons !
Là modulez nocturnes ovations,
prosodies que rues susurrent tendrement.
Unissez vibraphone, waterphones, xylophones!
Yodlez zouavement !

( abécédaire )

19-2-2024

Murs, murs

Aux rues
échois.
Aux nues
le choix.

Passante,
souris
quand chante
Paris.

( muret : variante du sélénet ( autrement dit bobet ) dans lequel chaque vers compte 2 syllabes )

20-02-2024

Merci

Prenez une conscience au hasard
en sortant du Kremlin la première est la bonne
ce n’est que l'enfance de l’art
la plus belle à Moscou est celle qu’on empoisonne.

Toutes les consciences finissent ainsi
on en fait des charognes qu’on traîne dans les rues
toutes les rues leur disent merci
merci d’avoir chanté notre fierté disparue.

24-2-2024

Faisant confiance au hasard
je prendrai la première rue
dans Paris, enfance de l'art,
faisant confiance au hasard.
Et j'errerai, chantant, peinard
dans la grand-ville disparue,
faisant confiance au hasard.
Je prendrai la première rue.

( triolet )

24-2-2024

Prenez Paris

Prenez Paris, plus belle chez soi.
On n'en est plus ainsi chanté.
Ville fait art dans les rues.
Merci hasard avoir chanté, sortant disparue.

Montagnes russes : chaque mot est plus long ou plus court d’une lettre que son prédécesseur ; ici chaque mot est pris dans le texte source.

25-2-2024

Jeu de la rue

Merci avoir chanté la ville disparue, dit l'homme, un homme âgé dont d'informes habits sont unis au ciment gris du long mur gris et long.

Tu vas comme ça, roi sortant d'un manoir nu, chanteur ingénu soulevant l'écu dormant.

Et riant, noir, mauvais : Ne dis ma rue ! dit l'homme, un homme âgé. Mort. Informes habits.

Jeu de la vie à partir du dernier vers du texte source.

Il se trouve qu’à la 6e itération le jeu devient périodique : c’est donc sur cette 6e itération qu’on s’interrompt.

1-3-2024

Accumulation fâcheuse

Déambule en la première ruelle.
Quelle ruelle ?
En Alep ne se trouve ce jour rien qu'un amas de pourriture.

Déambule en la première ruelle.
Quelle ruelle ?
En Avdiïvka ne se trouve ce jour rien qu'un amas de pourriture.

Déambule en la première ruelle.
Quelle ruelle ?
En Gaza ne se trouve ce jour rien qu'un amas de pourriture.

Aaahhh ÇA VA ! Fous nous la paix !

Et si tu veux, égrène un psaume pour ta cité disparue.

Accumulation agréable : comme stipulé par Eric Angelini, tous les mots doivent comporter même nombre de voyelles et de consonnes.

5-3-2024

Airs de Paris

Par aria pair s'apaisa. Paria prisa rap.
Saï passa, surpris, puis, assis pipa air pas si pur.
Repasseuse, éprise, a saisi pipeau. Rire espéra.

Suivant une idée d’Alexandre Carret, ces trois tétradécasyllabes contiennent exclusivement les lettres de PARIS ainsi que, le premier la lettre R, le second les lettres RU, le troisième les lettres RUE.

14-3-2024

Amnésie des rues

Je ne me souviens pas pourquoi le poulet a traversé la rue.
Je ne me souviens pas si le poulet avait pris une rue au hasard.
Je ne me souviens pas si en sortant de chez lui la première fut la bonne.
Je ne me souviens pas que cela ait été un effet de l’art.
Je ne me souviens pas de la plus belle à Paris, ni de celle qu’on fredonne.
Je ne me souviens pas comment riment toutes les rues.
Je ne me souviens pas des refrains qu’on chante dans les rues.
Je ne me souviens pas de ce que disent toutes les rues.
Je ne me souviens pas d’avoir chanté.
Je ne me souviens pas de la ville disparue.

Texte à démarreur, à la manière de « Je me souviens » de Georges Perec.

20-3-2024

Rue, ô sœur !


Égaré tu as su baisser viseur :
Paris tué.
Mélodie vive idole meut.
Si rap, rues ivres.
Si abus, saute rage.

Ce palindrome est la 202e ( nombre palindromique ) contribution à l’hommage à François Caradec.

23-3-2024

Fureur des rues

Tirez dans la rue au hasard
en sortant votre colt l'africaine personne :
ce n'est pas pour rien les pétards.
L'âme belle à Paris est celle qui ratonne.

Toutes les rues riflent ainsi
ces enflés pas chrétiens, qu'on plante dans les rues.
Toutes les rues disent merci
aux preux qui vont planter la racaille accourue.

29-3-2024

Les rimes mortes

Rue aux marchands de vin ? Rue aux marchands de soie ?
Il choisit au hasard, celui qu'on dit Franc.

Les parlers de Bretons, de Goths, de Celtes, d'Èques
riment en ce lieu qui prit tant de carat.

Les rimes voilées ou mortes sont une invention de François Caradec : les vers de rang pair ont une syllabe de moins que ceux de rang impair ; ils sont à compléter par la syllabe à la rime du vers précédent, leur donnant par homophonie une terminaison différente.

5-4-2024

Fugue des rues

Prenez une rue au hasard : la plus belle à Paris est celle qu’on fredonne.

Toutes les rues riment ainsi, on en fait des refrains qu’on chante dans les rues.

Prenez toutes les rues. Une rue rime. Ainsi on fait au hasard des refrains. La belle qu’on chante à Paris est celle qui fredonne dans les rues.

Prenez une rue, prenez toutes les rues. Au hasard rime la plus belle. Ainsi, une rue à Paris fait fredonner des refrains au hasard. On chante la plus belle dans les rues : Paris fredonne.

Toutes les rues se prennent à rimer. Prenez, prenez une rue. Le hasard ainsi fait une rue plus belle. Toutes les rues disent merci au hasard, merci Paris pour la belle rue qui fredonne, pour toutes les rues qui riment au hasard. Ah, Paris qui chante ainsi des refrains que la belle fredonne. Paris, ville qui fait qu'on chante des refrains, qu'on fredonne dans les rues, qu'on chante, disparu dans les rues.

Toutes les rues disent merci, merci d'avoir chanté.

Prenez une rue au hasard. Prenez une rue, prenez la plus belle à Paris, au hasard. Une rue au hasard. La plus belle, la plus belle à Paris, est celle qu’on fredonne, qu’on fredonne à Paris. Celle qu’on fredonne.

La ville ? -- Disparue.

Reprenant ma proposition de fugue introduite en 2019 transposant au domaine de la littérature une forme musicale célèbre. On distingue ici un sujet « Prenez une rue au hasard : la plus belle à Paris est celle qu’on fredonne » , un contre-sujet « Toutes les rues riment ainsi, on en fait des refrains qu’on chante dans les rues » et un second contre-sujet « Toutes les rues disent merci merci d’avoir chanté la ville disparue ».

21-4-2024

Vers sert

Prenez une date au hasard
en venant au printemps à coup sûr c'est la bonne :
N’est ce pas un effet de l’art ?
Le vingt et un avril naît celle qu’on fredonne.

Tous ses haïkus riment verlan
inversant les refrains dont chante la médaille,
tous ses haïkus disent l'envers.
Merci d’avoir créé le rêve qui sonnaille !

Double hommage à l’Oulipien de l’année et à l’Oulipote Annie Hupé pour son anniversaire, avec une allusion à la médaille, contrainte de son invention.

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Jeu nase

Au commencement, Rien créa le nul et le zéro.

Le zéro était informe et vide, les ténèbres étaient au-dessus de l’abîme et le souffle de Rien planait au-dessus du faux.

Rien dit : « Que l'illusion soit. » Et l'illusion fut.

Rien vit que l'illusion était bonne, et Rien sépara l'illusion des ténèbres.

Rien appela l'illusion « forme », il appela les ténèbres « fond ». Il y eut un creux, il y eut un plein : première forme.

Et Rien dit : « Qu’il y ait un jugement au milieu du faux, et qu’il sépare le faux. »

Rien fit le jugement, il sépara le faux qui est au-dessous du jugement et le faux qui est au-dessus. Et ce fut ainsi.

Rien appela le jugement « beau ». Il y eut un creux, il y eut un plein : deuxième forme.

Et Rien dit : « Le faux qui est au-dessous du beau, qu’il se rassemble en un seul tas, et que paraisse le zéro absolu. » Et ce fut ainsi.

Rien appela le zéro absolu « zéro », et il appela la masse du faux « moins ». Et Rien vit que cela était bon.

Rien dit : « Que le zéro produise le labeur, la science qui porte sa semence, et que, sous le zéro, l’art donne, selon son espèce, l’œuvre qui porte sa semence. » Et ce fut ainsi.

Le zéro produisit le labeur, la science qui porte sa semence, selon son espèce, et l’art qui donne, selon son espèce, l’œuvre qui porte sa semence. Et Rien vit que cela était bon.

Il y eut un creux, il y eut un plein : troisième forme.

Et Rien dit : « Qu’il y ait des dignitaires au jugement du nul, pour séparer la forme du fond ; qu’ils servent de signes pour marquer les fumées, les formes et les apparences ;

et qu’ils soient, au jugement du nul, des dignitaires pour éclairer le zéro. » Et ce fut ainsi.

Rien fit les deux grands dignitaires : le plus grand pour commander à la forme, le plus petit pour commander au fond ; il fit aussi les stériles.

Rien les plaça au jugement du nul pour éclairer le zéro,

pour commander à la forme et au fond, pour séparer l'illusion des ténèbres. Et Rien vit que cela était bon.

Il y eut un creux, il y eut un plein : quatrième forme.

Et Rien dit : « Que le faux foisonne d’une profusion d’idées véhémentes, et que les oiseux vomissent au-dessous du zéro, sous le jugement du nul. »

Rien créa, selon leur espèce, les grands monstres mandarins, toutes les idées véhémentes qui vont et viennent et foisonnent dans le faux, et aussi, selon leur espèce, tous les oiseux qui vomissent. Et Rien vit que cela était bon.

Rien les bénit par ces paroles : « Soyez féconds et multipliez-vous, remplissez le moins, que les oiseux se multiplient sous le zéro. »

Il y eut un creux, il y eut un plein : cinquième forme.

Et Rien dit : « Que le zéro produise des idées véhémentes selon leur espèce, ragots, ratages et rages sournoises selon leur espèce. » Et ce fut ainsi.

Rien fit les rages sournoises selon leur espèce, les ragots selon leur espèce, et tous les ratages du zéro selon leur espèce. Et Rien vit que cela était bon.

Rien dit : « Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance. Qu’il soit le maître des passions du moins, des oiseux du nul, des ragots, de toutes les rages sournoises, et de tous les ratages qui vont et viennent sous le zéro. »

Rien créa l’homme à son image, à l’image de Rien il le créa, il les créa homme et femme.

Rien les bénit et leur dit : « Soyez féconds et multipliez-vous, remplissez le zéro et égalez-le. Soyez les maîtres des passions du moins, oiseux du nul, et de toutes les animosités qui vont et viennent sous le zéro. »

Rien dit encore : « Je vous donne toute science qui porte sa semence sous toute la surface du zéro, et tout art dont l’œuvre porte sa semence : telle sera votre pourriture.

À toutes les animosités du zéro, à tous les oiseux du nul, à tout ce qui va et vient sous le zéro et qui a souffle de violence, je donne comme pourriture tout labeur vandale. » Et ce fut ainsi.

Et Rien vit tout ce qu’il avait fait ; et voici : cela était très bon. Il y eut un creux, il y eut un plein : sixième forme.

Ainsi furent achevés le nul et le zéro, et tout leur déploiement.

À la septième forme, Rien avait achevé le néant qu’il avait fait. Il se reposa, à la septième forme, de tout le néant qu’il avait fait.

Une série d’échanges ont lieu actuellement sur la liste Oulipo sur le mot « rien » dans la littérature. Inspiré par ce thème, je tente ici ce que j’ai décrit par plaisanterie une « Méthode M + rien avec M=S/V/A ». Plus sérieusement il s’agit d’un homosyntaxisme à partir du début de la Genèse, telle que traduite par l’AELF, en choisissant les mots modifiés afin de coller au thème.
Publié sur la liste Oulipo le 3 février 2024.

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À supposer… pour rigoler

À supposer
qu'on me demande
que je me rende
au dieu rusé

pour rigoler,
que d'une phrase
pleine d'emphase
on dise olé

va donc clamser
ce jour ou l'autre
sans patenôtre
et sans danser,

je souhaiterais
larguer l'amarre
tenir la barre
sans bords tirés,

laissant des ports
ces murs saumâtres
sombres théâtres
de mes transports,

et droit devant
vers le grand large
mener ma barge
le froid bravant,

les yeux jetant
sur ma boussole,
quand se désole
le vent d'autan

qui se souvient
de l'allégresse
de ma jeunesse
qui ne revient

où, fort et droit,
j'allais en liesse
jouer ma pièce
le verbe adroit

sans voir germer
un fin sourire
sur ma satire
non réprimé

chez les gens bien
qui vous dominent
de l'âpre mine
de l'amphibien,

j'irais au bout
de ma dérive
sur l'eau lascive
au vent debout,

en me tournant
voyant la berge
une ardeur vierge
me reprenant,

lançant un chant
fier et sauvage
rejoindrais l'âge
du jeu méchant

et lors, le front
tendu vers l'onde,
quittant le monde
sans un affront,

par un plongeon
que je m'élance
dans le silence
de l'esturgeon

et, dans la nuit,
que je m'écrase
touchant la vase
et son ennui.

Petite évolution de la contrainte « À supposer… » de Jacques Jouet, qui normalement désigne un texte en prose de 1000 signes au moins formé d’une phrase unique, et débutant par « À supposer qu’on me demande ici de… ». J’ai laissé tomber les deux derniers mots de cette formule. Mais surtout la principale entorse est que ce poème est en vers. Je me suis efforcé d’utiliser des rimes toutes différentes. Toute ressemblance avec un célèbre poème d’Arthur Rimbaud n’est qu’une pure coïncidence.
Publié sur la liste Oulipo le 1er février 2024.

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Seuil

Seuil
haut :
ô
deuil.

Feuille
croc
trop
cueille.

Jouis !
J’ouïs
mort.

Faim
mord.

Fin.

Sonnet de monosyllabes.
Publié sur la liste Oulipo le 21 janvier 2024.

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l’escalier

l'escalier montait
jusqu'au seuil d'une porte
la porte s'ouvrait
sur une chambre torte
la chambre sentait
le parfum d'une morte
la morte dormait
pleine de grâce forte

Prendre un architog 5757575. Lui rogner les vers longs. Mettre un vers en trop.
Ça fait un architof ou « archi tanka oulipien frelaté ».
Oui, on pourrait aussi parler de quatrain d’hendécasyllabes.
Publié sur la liste Oulipo le 16 décembre 2023.

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Limerick inclusif

La bielle a coulé.
Lâche, iel, acculé.e,
fait sortir.e
de sa tire,
là, vieil.le à cou laid.

Pas mécontent, dans ce limerick, d’inventer un infinitif inclusif qui ne veut strictement rien dire ( ce qui n’est bien sûr pas le cas des substantifs et adjectifs inclusifs ).

Et… l’avant dernier mot c’est bien « cou » et rien d’autre, bande de chenapans.
Publié sur la liste Oulipo le 30 novembre 2023.

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Oasis d’un rêve nu

Ô l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux
Arrondis pour mieux voir poindre un cortège d'anges
Sur leurs luths égrenant des mélodies étranges !
Île qui m'accueillit, naufragé studieux,
S'échouant d'une mer que n'animent les rides
D'aucun élan courant ses stagnations virides.
Un solitaire pas d'errances pénitentes
Nuitamment devant moi fit surgir, crues et belles,
Rêvantes ses splendeurs parmi d'ocres ombelles.
Ensemble allâmes loin des poteaux et des tentes
Vers le sombre refuge où les bêtes cruelles
Épousailles se font sous les fleurs éclatantes.
Nous ne parlâmes pas de nos peines latentes :
Un vent chaud effaçait consonnes et voyelles.

Une idée proposée par Pierre Lamy a été largement illustrée ces jours-ci sur la liste Oulipo : celle de poème inversé. Partant d’un poème connu, il s’agit d’en conserver le dernier vers et l’ensemble des rimes qui apparaîtront dans l’ordre inverse. Le sonnet inversé ci-dessus est composé selon cette nouvelle contrainte, à partir de « Voyelles » d’Arthur Rimbaud, selon une version augmentée dans laquelle ce sont les mots à la rime qui sont conservés. De plus le titre est repris en acrostiche.
Publié sur la liste Oulipo le 30 octobre 2023.

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Mad, on net ends, arose : Madonne tend sa rose.

Sur le divan dont j'ai rêvé
comment broder, tel un insecte,
une image simple et correcte
à l'étage où je dors, crevé ?

Can I decorate, normal a desire, couch on sleeping level, ant ?

Barked as a dog player of horn
at singer, whom awful desease
tortured as pins, and who like geese
cried, or like cow when calf is born.

Canidé, cor à ténor : malade sire ? Couchons le, épinglé, vêlant.

Nouvel essai d’un isogramme bilingue, déjà tenté il y a dix ans.
Publié sur la liste Oulipo le 28 septembre 2023.

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