A partir du premier mai 2014 le Zodianku prend la suite du Lipoméride qui s’est achevé le 30 avril après un an d’existence. Dans ce nouveau projet qui durera un an si tout va bien, un poème sera écrit pour chaque signe du zodiaque et chaque décan dans ce signe : ainsi trente six poèmes verront le jour, grâce à la publication quotidienne d’une strophe sur twitter et sur ce site. Sur le modèle des renku traditionnels, ces strophes seront alternativement des haïkus (trois vers de 5/7/5 syllabes) et des strophes de deux vers de 7 syllabes. Ces vers suivront une contrainte lipogrammatique dictée par les voyelles du signe zodiacal et de la planète du décan :
Pour les haïkus: 1er et 3e vers sur les voyelles de la planète, vers central sur les voyelles du signe.
Pour les autres strophes: trois voyelles parmi celles du signe et de la planète, choisies selon l’ordre de préférence : u > o > i > e > a.
Ces poèmes ne sont pas de vrais renkus, ils sont plus courts, cependant chaque strophe répond à celle qui la précède. De plus tout lecteur le souhaitant peut dès la publication d’une strophe me proposer avant la fin de la journée la strophe suivante par un message sur ce site ou un tweet privé sur mon compte @noel_talipo. Je m’efforcerai, sauf lorsque je suis contraint de m’absenter, de publier cette strophe avec en note la mention de son auteur, pourvu qu’elle respecte bien la règle du jeu et naturellement l’étiquette du net. Proposez une seule strophe à la fois, merci : laissez-en un peu pour les autres !
C’est l’humble demeure
Du 1er mai au 10 mai – Signe : Taureau ; planète : lune
C’est l’humble demeure
Aux fenêtres refermées
Sur l’heure secrète
La rue à jambes pressées
Se détache et prend le large
Que peuvent les clercs
Passant là sans s’arrêter
Qu’emmurent les brumes
La marelle des pavés
Trébuche et saute en enfer
C’est le jeu des rues
Les gagnants sur les perdants
Prélèvent leur dû
En grec en russe en hébreu
S’alarment de pauvres hères1
En quête fiévreuse
Par les murs et les hangars
Du secret perdu
Que vaguement se rappellent
Ceux que nul ne veut entendre
Leur lèvre muette
Que reflète la fenêtre
Semble murmurer
Et la chatte paresseuse
Seule entend leur testament
(1) Annie Hupé. Pour des raisons techniques cette strophe n’a pas figuré sur la version tweeter où on trouvait à la place:
Marchant à pas cadencé
Sur l’asphalte craquelé
Tu es revenue
Du 11 mai au 21 mai – Signe : Taureau ; planète : saturne
Tu es revenue
Ce sera fête au hameau
Danse jusqu’à l’aube
A la lueur des flambeaux
Et des regards éperdus 1
La table est dressée
Parée de branches en fleurs
Sur la nappe blanche
Le Père se penche un peu
Te serre dans ses bras gauches
Tu sembles perdue
Dessus le cercle d’épaules
Que regardes-tu ?
Dans l’angle reste à l’écart
L’étranger que tu cherchas
Un passé déferle
Par delà ces années lentes
Une lueur chaude
Cette paume s’attardant
Sur les vagues de ta peau
Et près de l’étang
Par un crépuscule calme
De graves serments
Aucune phrase aucun geste
Juste un tremblement de lèvre
Et la tarentelle
Accélérant sa cadence
Te happe et t’emmène
(1) Frédéric Martin-Delvincourt
Le chemin du ciel
Du 22 mai au 31 mai – Signe : Gémeaux ; planète : Jupiter
Le chemin du ciel
Emmène au-delà du temps
Celui qui le suit 1
Heureuse les pieds sur terre
Je veux vivre « hic et nunc ». 2
Ciel vide et muet,
Là, seule demeure l’eau,
Le rêve s’enfuit. 3
Ici réside peut-être
Un Dieu nu et humilié. 4
Lumière qui luit,
Reflets dans l’eau de l’étang,
Nuit de pleine lune. 5
Lugubres hululements…
Je m’enfuis, demi-vêtue. 5
Je lève les yeux
La flamme d’un feu rageur
surgit et serpente
Meurtrie mutilée je tire
Sur les lierres qui me lient 2
Embusquée je veille
l’assaut du feu et de l’eau
Pluie mêlée de cendres 6
Je cherche le fil perdu
Vers un chemin de lumière
(1) La strophe de départ est proposée par Nicolas Graner
(2) Annie Hupé.
(3) Françoise Guichard.
(4) Frédéric Martin-Delvincourt.
(5) Elisabeth Chamontin (@Souris_Verte)
(6) Strophe utilisant des éléments transmis par Philippe Simon.
Là dans la pampa
Du 1er au 10 juin – Signe : Gémeaux ; planète : Mars
Là dans la pampa
Pauvre hère s’en alla
Dansant la samba
Et battant des maracas
De Bagé jusqu’à Valdès.1
Atlas parada
tel un hacker, de Dunkerque
à Java. Navrant !2
Mal chaussé jambes arquées
Hère va sans se cacher
Ah ça ! Bâtard, là
Hurle Atlas brute à peau d’ange,
A fada passant
Que cherches-tu dans ce champ
Gâchant cette herbe à ma vache
Santal blanc, safran
Jaune ! Fastueux herbage
Fragrant, ça flatta.2
S’excusant flâneur allègre
En hâte changea de cap
Las ! ça n’alla pas
Un bras rageur l’attrapa
Frappa, tabassa.
Sur la steppe le vent passe
Pauvre gars ne danse plus
(1) Frédéric Martin-Delvincourt.
(2) Annie Hupé
Moine en robe noire
Du 11 au 21 juin – Signe : Gémeaux ; planète : Soleil
Moine en robe noire
Se levant à l’aube tendre
Sortit de son cloître
Ni soumis ni dissolu
Individu indistinct1
Il cherche l’épine
A l’âpre parfum, secret
De son élixir
Son lopin sous un pin noir
Produit foison d’oignons doux
Rosée encor brille
Le vent murmure un lent psaume
Le monde scintille
Moinillons, juifs, iroquois
tous sont outils du complot2
Stérile, inflexible
Que trament sans retenue
Les sombres étoiles.2
D’un gour d’où sort un flot sourd
Ouït un ondin qui rit
Belle voix de miel
De l’être surnaturel
Le frôle et l’enjôle
Pour qui s’ouvrit profond trou
Pour qui mugit tocsin fou
Le rire strident
De deux frères maraudeurs
S’éloigne et se perd
(1) Nicolas Graner
(2)Annie Hupé.
Un reflet de lune
Du 22 juin au 1er juillet – Signe : Cancer ; planète : Vénus
Un reflet de lune
Caresse la table en chêne
Les plumes et l’encre
La trace d’un alphabet
Bave sur le buvard bleu1
Sur l’humble buffet
Sage se balance l’ancre
D’une pendulette
Les heures passent égales
Sans que nul ne les dérange
Des bûches de hêtre
La flamme flanche et la cendre
Fume juste un peu
Arachné musant sans hâte
Tresse un réseau de rubans
D’une rue déserte
Par la fenêtre béante
Nulle rumeur n’entre
Sur le matelas de plume
Etendu rêve l’aède
Mesure du vent
Dans la sente passent des
Ménestrels muets2
Les clameurs tues, scandaleuses
Démasquent les cadenas2
(1) Elisabeth Chamontin (@Souris_Verte)
(2) Annie Hupé.
Le fer sur l’enclume
Du 2 au 12 juillet – Signe : Cancer ; planète : Mercure
Le fer sur l’enclume
Répand des éclats scandés
Recru de heurts secs
Métal brut chauffé à blanc.
Muscles bandés et durs, suants.1
En ces murs sévères
Arde la flamme de l’âtre
Le feu hurle et fuse
Une lame ténébreuse
Se trempe un tranchant s’affûte
Le meneur de guerre
Attend le regard fermé
Et durent les heures
Prenant ce métal sans tache
Se lève s’avance et parle
Venue des enfers
A fendre targes et chefs
Epée tu es prête
Trempée dans un jeune sang
Célébreras ma vengeance
Resserre ses guêtres
Le gant le large mantel
Descend vers le fleuve
La lune à la face glabre
Le précède par les dunes
Une mère guette
L’enfant cesse la marelle
Un père muet
(1) Françoise Guichard.
Sur les prés en fleurs
Du 13 au 22 juillet – Signe : Cancer ; planète : Lune
Sur les prés en fleurs
Le vent passe caressant
Et l’herbe s’émeut
La sauterelle s’élance
Dérangée par un reflet
Les senteurs se mêlent
Parlant ce fragrant langage
Qu’entendent les ruches
Danse à cadence sauvage
A la chaleur s’emballant
Le hurlement brusque
De femelles en alerte
Sème une stupeur
Plus de chants plus de tapage
De rampements fureteurs
En un cercle lent
Planant dans le calme plat
S’élève une buse
En balafre dans l’azur
Se trace un grave message
L’heure est suspendue
Le rapace va sans hâte
Et se perd de vue
Le champ reprend sans tarder
Sa musante sarabande
Dans le hall glacé
Du 23 juillet au 1er août – Signe : Lion ; planète : Saturne
Dans le hall glacé
L’on sort d’oblongs corridors
Cherchant une clé
Surgis pour quoi vont commis
Tout surpris si tu souris
Une alarme meugle
Midi ! vrombit son tocsin
La masse s’ébranle
Du rotor d’un portillon
S’induit un long conduit noir
Pâles et malades
Trop mollis n’ont point ici
Place dégagez
On suit on court on bondit
Fous du couloir infini
D’une fente brune
Brin sorti d’oignon moisi
Un pétale blême
Crin tordu qui fuit du mur
Bug d’un fin pistil surgi
Un agent regarde
Son doigt point il dit : voici
S’attarde s’arrête
Il sort mû d’un long frisson
Fruits tout un soir ont du goût
Entre les buveurs
Du 2 au 12 août – Signe : Lion ; planète : Jupiter
Entre les buveurs
Nini rosit rit vrombit
En tutu déteint
Rhum mojito gin tonic contraires
Loukoum surimi coco
Lumière feutrée
Coloris kitsch lino froid
Musique qui gueule
Souris du soir qui luit gris
Oisillon d’un nid pourri
Emplis, dis-je un verre
Vois nos portions, nos litrons !
Et rédige en vers.1
Oui ! Nous trinquions, roupillions
Pourquoi suit-on l’illusion ?1
Ventres débinés
Chicots noirs poncifs grivois
Bretelles en berne
Pour qui mon ouzo on rocks
Non mon gros toi tu bois plus
Sueur énervée
Poings sortis profils porcins
Verres renversés
Coups sournois fric roi tournis
Jolis rots corps mous vomi
L’heure : Nini ferme
Corridor logis blotti
Queue du chien remue
(1) Annie Hupé.
Pars sans apparat
Du 13 au 23 août – Signe : Lion ; planète : Mars
Pars sans apparat
Vois l’infini cordon d’or
Va à pas hâtant
Laissant ton logis natal
Laissant moisir ta moisson
Sans savant blabla
Bondis loin d’oisifs propos
Sassant ta saga
Sans faiblir occis l’Avant
Visant l’indistinct profond
Adam translata
son lit, son lot, son nombril
blanc, à Canaan. 1
Soit, allons donc, rimaillant
son roman, miroir moral.1
Tâtant ahanant
Sors toi hors giron blotti
Va par l’arc astral
Saisi par la faim d’air frais
Franchis l’original trait
Là chaman chantant
Vois d’incisifs doigts t’offrir
Sacral santal blanc
Ta main saisit la toison
S’apaisant à son contact
Avançant sans fard
Ris voici ton miroir fol
L’amant t’avalant
(1) Annie Hupé.
Le monde est petit
Du 24 août au 3 septembre – Signe : Vierge ; planète : Soleil
Le monde est petit
Tes chemins tes errements
Rencontrent les miens
Ton œil en mon œil se fond
Tes peines mirent les miennes
L’ombre ensevelit
Le timide scellement
De nos connivences
De ton front posé léger
Me sens poitrine imprimée
De brise jolie
Tes mèches libres se bercent
Et frôlent mes lèvres
De nos doigts entrecroisés
Monte en nos seins même fièvre
Somnolent mélèze
Frises de miel inclinées
Protège nos liesses
Froment seigle ceps des vignes
Rendez nos soleils torrides
Le vol obsessif
De fébriles éphémères
Fibrille le ciel
Est-ce moi le rêve éteint
Dont loin s’envole ton rire ?
Le monde s’étire
Sphère pleine de silence
De silence immense
Du névé bleuté
Du 4 au 12 septembre – Signe : Vierge ; planète : Vénus
Du névé bleuté
Le reflet semble vibrer
Vu de cette sente
Il cerne l’entrée du cirque
Que défend un défilé
Un brusque vent d’est
Se réveille et vient gifler
Les pentes rugueuses
Siffle entre les jeunes pins
Qui serpentent vers le ciel
Un reste de brume
Préservé de cette fièvre
Effleure les crêtes
Une excessive lumière
Rend les neiges venimeuses
Juchées en dévers
Pierres se clivent et brillent
D’un feu ténébreux
Seul en un creux retiré
Tremble le frêle lin bleu
Epure muette
De l’invisible présence
Que scelle le temps
Les muscles tendus
Du 13 au 23 septembre – Signe : Vierge ; planète : Mercure
Les muscles tendus
Ils entrent lèvres serrées
Des hurlements fusent
Cernés de lumière blême
Sentent le ciment trembler
Un vent d’hébétude
Gifle ces virils éphèbes
Qu’encercle une meute
Les curieux et les furieux
De leurs yeux secs les fusillent
Seuls un peu perdus
Respirent des sels fétides
Restent suspendus
Puis virent d’un geste lent
Vers ce centre qui les brûle
Fermeture crue
Le ring en ligne brisée
Creuse une fêlure
Vive splendeur des ceintures
Rend leur figure plus grise
Un heurt de pendule
Trépignements feintes punch
Gerbes d’uppercuts
Ventre sueur nez plexus
Erreur ! Une seule erreur
Pêle-mêle en feu
Sirène civière perf
Rumeur et ténèbre
Deux très jeunes femmes
Du 24 septembre au 3 octobre – Signe : Balance ; planète : Lune
Deux très jeunes femmes
S’avancent dans la venelle
En quête de sel
Près d’elles une enfant chante
Et saute sur une jambe
Un secret murmure
Scande la marche sans hâte
C’est le crépuscule
L’éclat d’une devanture
Capture leur chaud regard
Plumes et dentelles
Frangent des mantes légères
Relevées de gemmes
Chasubles de taffetas
Capes au reflet d’azur
Un brusque vent d’est
Arrache ces passements
Les élève en cercle
Aux épaules des rêveuses
Drape parure céleste
Le temps d’un reflet
Cette astrale majesté
Effleure éphémère
Deux passantes attardées
Et l’enfant à la marelle
Une vague lente
Du 4 au 13 octobre – Signe : Balance ; planète : Saturne
Une vague lente
Passe et dans la rade calme
La barque un peu tangue
Le pêcheur d’un geste sûr
Lance la canne et l’appât
La plage est déserte
Le vent caresse le sable
Dans le crépuscule
Une larme perle sur
La peau saturée de sel
La lune se lève
Sa belle face argentée
Chevauche les nues
Dans sa tête autan répète
Que la Femme s’est pendue
La marée s’empresse
Dans la clarté d’amarante
Que jette le phare
Tant de phrases étranglées
Tant de caresses perdues
La sterne planante
Penche et regagne sa place
Sur l’embarcadère
une plume va tracer
la frange crue des vagues1
(1) La belle strophe finale m’a été proposée par Louise Blau (@lignesbleues). C’est particulièrement intéressant, illustrant bien comment les contributions de chacun ont fait dériver les poèmes parfois loin de ce que j’avais imaginé. Ici, la finale m’évoque une sorte de rédemption empreinte de paix et de beauté, bien loin de la fin sombre à laquelle j’avais pensé :
« L’eau claque elle se referme
La barque ne rentre pas »
Quelques musiciens
Du 14 au 23 octobre – Signe : Balance ; planète : Jupiter
Quelques musiciens
Venant des terres étranges
Epuisés cheminent
Des chiens se dressent et hurlent
Des fenêtres se referment
Les gueux se dirigent
Vers la place des marchands
Près du vieux tilleul
Le vent humide et frileux
Pénètre leur pèlerine
De fifres de vielles
De basses tam-tams et sax
Musique est métisse
Il s’élève de leurs lèvres
Un merengue qui s’enivre
Sur un thème en vrille
S’entrelacent les accents
Se brise le gel
Des curieux levés en cercle
De leur pied suivent le rythme
Filles ténébreuses
Apres gars crâne rasé
Cinglent le bitume
Et sur cette ville beige
Le ciel des îles scintille
Hantant mastabas
Du 24 octobre au 2 novembre – Signe : Scorpion ; planète : Mars
Hantant mastabas
L’on voit son bob indigo
Marrant caftan blanc
Il paraît avoir vingt ans
Mais a la mort dans la voix
Cavalant sans cap
Il bondit d’horizons noirs
Bramant chants fadas
Passants marchands proprios
Vont ignorant son galop
Navrant Artaban
Front trop gros profil porcin
Badant bras ballants
Mais à midi naît la faim
Oignon par ci pain par là
Sans marks sans nafkas
Finit trois trognons moisis
Lapant ramas gras
Las choit dans l’abri si frais
Dont s’ombrait lavoir banal
S’affalant hagard
Son dos blotti l’idiot rit
A sa baraka
Loin loin s’affaiblit l’aboi
Loin loin la loi d’Osiris
Le vieil olivier
Du 3 au 12 novembre – Signe : Scorpion ;
Le vieil olivier
Tord son gros tronc gris rôti
Et croise le vent
Il domine le vignoble
De son ombre emplie de fièvre
Ton dos se détend
Ton poing mollit ton front rit
Ton sein frémit libre
Le ciel violet de midi
T’inonde et te vrille l’œil
Ton vin de silex
Dont on boit trop l’or rosi
Monte vite en tête
Le grillon dolent grésille
Entre les pierres torrides
Le sommeil te vient
Long solo d’infinis fols
Voile de l’ivresse
Personne ne te réveille
Rien ne vient briser le vide
Mémoire immobile
Corps pris d’indistincts frissons
Isolement tiède
Roche sillons terre éprise
L’olive penche et te berce
Une clé seule entre
Du 13 au 22 novembre – Signe : Scorpion ; planète : Vénus
Une clé seule entre
Fin profil croisillon d’or
En cette serrure
D’un lumignon luit confus
Un fin jour sous l’huis noirci
Un cerne de lune
Inscrit son coloris froid
Sur le mur sévère
Pour qui sourit l’inconnu
Qu’introduit un bond furtif
Le pêne s’enclenche
Son choc clôt sitôt l’octroi
Et je me renferme
Oisif sur mon trottoir gris
Sous un fronton tout moisi
Esseulé je guette
Du portillon noir qui dort
Le chêne lugubre
Surpris vois d’un tour du gond
S’ouvrir un couloir obscur
Me rue et pénètre
Sport idiot viol instinctif
Qu’est-ce que j’espère
Poings sur un mur nu Jim rit
J’y vis l’Intrus Primitif
Le feu de leurs yeux
Du du 23 novembre au 2 décembre – Signe : Sagittaire ; planète : Mercure
Le feu de leurs yeux
Reflète le tapis vert
Du cercle de jeu
Le pur esprit d’une nuit
Dure et sublime s’esquisse1
Splendeur désuète
Pesante table d’ébène
Tentures et stucs
Un merle serein épelle :
Le silence est-il de mise ?1
Le temps se renverse
Des chiffres le cliquetis
Sème une stupeur
Ténèbres restituées
Êtres et esprits enfuis2
Les lèvres serrées
La narine d’air privée
Geste suspendu
Une bille fuse et ruse
Hésite évite et refuse
Le rêve se meurt
L’abîme happe en braillant
Les enjeux perdus
Superbe un instant s’élève
Le rire qui devient ruine
(1) Brigitte Pellat (@BrigittePellat)
(2) Hélène Verdier (@h_verdier)
Rue brune pullule
Du du 3 au 12 décembre – Signe : Sagittaire ; planète : Lune
Rue brune pullule
A l’établi l’artisan
Demeure penché
Un refuge de silence
Imprègne ce lieu secret
Fermement tenue
La lime entame la pièce
En deux fers serrée
Une épure se dessine
Et lentement se mûrit
Le geste est sûr
La pensée hésitante,
Humblement ténue1
Se mire de l’effleuré
Puis crisse — plis et déplis —1
Le but est en vue
Les fragments enfin s’assemblent
Créent une structure
Des pupilles qui s’étirent
Le feu scintille bleuté
Se dresse réel
Dans ce havre de patience
L’effluve d’un rêve
Petit verre mérité
Puis les lumières s’éteignent
(1) Hélène Verdier (@h_verdier)
D’un élan brutal
Du 13 au 21 décembre – Signe : Sagittaire ; planète : Saturne
D’un élan brutal
J’avale la piste blanche
Me cabre et m’arrache
Vibre structure effilée
Que le vent gifle et relève
Des deux réacteurs
Le sifflement se fait brame
Et les peurs se clament
Sinistre un pic se dessine
Sur le ciel d’un bleu limpide1
Entre les nuages
M’aspire la ligne claire
Vers un cap étrange
Les instruments se dérèglent
Leds jettent un vert lugubre
Des étendues vagues
Mille mètres en bas filent
A travers la brume
Un bercement triste et lent
M’emplit de grises pensées
Je passe tremblant
De ce firmament glacial
Le cercle effacé
(1) Brigitte Pellat (@BrigittePellat)
En crème liquide
Du 22 au 31 décembre – Signe : Capricorne ; planète : Jupiter
En crème liquide
La glaise épaisse et collante
Gît brune et putride
Un frisson s’induit sournois
Sur tout mon dos qui roidit
Chemise ceinture
Pantalon baskets et slip
J’enlève mes fringues
Pins mugo buissons touffus
Tout un bois rit insoumis
Je me jette nu
Dans le mélange noirâtre
Qui pègue et me suce
Du limon bruit un floc mou
Son lourd d’un grouillis profond
Tête nuque pieds
S’enrobent de pâte informe
Deviennent humus
Compost mort corps confondus
Sous un horizon moisi
Ruine de glu blême
Je m’effondre lentement
En cette hideur
Lors d’un soupir infini
Vomis tout l’or qui m’occit
Abracadabra
Du 1er au 11 janvier – Signe : Capricorne ; planète : Mars
Abracadabra
Crie l’enfant devenant mage
Lançant l’avant-bras
Le vent se lève et gémit
L’herbe devient folle et rit
Lamas blafards dans
De vieilles robes dorées
Carnaval d’antan1
Si le Stromboli s’éveille
De joie ils s’immoleront1
Maman cavalant
Rattrape le gosse et gronde
Car là ça va mal
Impossible de s’entendre
Ce petit devient pénible
Balançant tartan
Le mioche ensorcelait
Grand-maman là-bas2
Crois moi polisson difforme
J’ose force sortilèges1
Sans mal, sans tracas
Je te minore, t’étiole
Raplapla ! lascar !1
Le môme petite voix
Récite le secret texte
S’affalant passant
Trombe trisse ciel devient
Grand mandala blanc
(1) Annie Hupé.
(2) Brigitte Pellat (@BrigittePellat)
Des hommes féroces
Du 12 au 22 janvier – Signe : Capricorne ; planète : Soleil
Des hommes féroces
Escaladent le versant
Le silence gronde
Dans l’ombre Orion se terre
De larmes de poix drapé1
Rocs et précipices
Stoppent le pas maladroit
D’effrontés mortels
Le soleil éveille enfin
Le colosse et il écrit2
L’ongle de son doigt
Grave à même le granit
Des mots éplorés
Le torrent plonge et résonne
Le vent cingle les rocs froids
Le piétinement
En contrebas se rapproche
De héros sordides
Des poings de l’être indocile
Le moindre revers les broie
Il reste penché
Tête en ses mains reposant
Noir de désespoir
L’écho des gémissements
Se renfle de roche en roche
L’œil livide voit
Le dard misérable fondre
Et le libérer
(1) Hélène Verdier (@h_verdier)
(2) Brigitte Pellat (@BrigittePellat)
Du fleuve bleuté
Du 23 janvier au 1er février – Signe : Verseau ; planète : Vénus
Du fleuve bleuté
Fend l’eau de sa nage calme
Une femme heureuse
Les nuages peu à peu
Effacent sa belle humeur1
Elle entend rêveuse
L’appeler sans se lasser
Le vent d’un murmure
Tendre Leda elle vague
Face pâle vers l’azur2
Elle sent légère
La caresse des grandes algues
Muette berceuse
D’une arabesque d’écume
Ses bras parent la surface
Une grue cendrée
Lance un appel guttural
Tête renversée
Las ! se meurt l’appel ardent
Au levant se meut la meute3
Femme reste et tremble
L’avant pénètre l’après
L’heure est suspendue
Et passe dans ce regard
L’étrange affre des naufrages
(1) Didier Bergeret
(2) Hélène Verdier (@h_verdier)
(3) Brigitte Pellat (@BrigittePellat)
Entendent le prêche
Du 2 au 11 février – Signe : Verseau ; planète : Mercure
Entendent le prêche
De ce mage en cape blanche
Et les peurs reculent
Nul enchanteur nul pasteur
Je m’attache à l’espérance1
L’espèce de leurre
S’ajuste à l’aveuglement
Des énergumènes1
Un chapelet de préceptes
Leur assure le salut
Ensemble éduqués
Répètent la phrase apprise
Leurs lèvres remuent
La salle est belle à ses murs
Panneaux en grands caractères
L’Eternel est pur
Versez un parfum de feu
Sur terre et sur mer
Menez une guerre juste
Cherchez l’éclatant trépas
Echecs et regrets
Le fardeau s’est annulé
Des vécus perdus
Un grand calme se répand
Les réchauffe et les aveugle
(1) Annie Hupé.
Une fleur des prés
Du 12 au 22 février – Signe : Verseau ; planète : Lune
Une fleur des prés
Fendant la verte membrane
Frêle se déferle
Ses pétales flavescents
Se bercent au vent léger
Généreuse et pure
Elle répand le parfum
Des heures heureuses
Humble tâche de clarté
Ancrée au versant abrupt
En brusque détente
S’abat une sauterelle
Semeuse de peur
Sa patte rugueuse gratte
Ses antennes se démènent
Muette perdue
La fleur aux tendres sépales
Reste suspendue
Paf d’un saut fuse la bête
Que chasse quelque danger
Lent et mesuré
C’est le pas du taureau blanc
Empereur superbe
Le végétal éperdu
Rend grâce au géant sauveur
Le mufle se penche
L’âpre langue arrache et happe
Une fleur des prés
Une erreur dans le calendrier qui m’avait servi de source m’a amené à terminer prématurément ce zodianku, pour lequel j’avais prévu trois strophes supplémentaires, car le décan suivant aurait sans cela été réduit à 6 jours. Ainsi les trois dernières strophes, déjà préparées, n’ont en fait jamais été diffusées.
Grand jeu des saveurs
Du 20 au 28 février – Signe : Poissons ; Planète : Saturne
Grand jeu des saveurs
Oignon poivron potiron
Sauce grand veneur
Jouissons du pot pourri
Dont tous nos goûts font chorus
Un fumet suave
Dont on voit nos rôts offrir
Le charme s’élève
Du point du jour jusqu’où nuit
S’obscurcit nous cuisinons
Eperlan flétan
Thon d’onigiri joli
Hareng saur fumé
Produit du fruit mûr qui rit
Vin rosit roux ou confits
Aulx cèbes et sauges
Sont l’or si fin dont nos doigts
Relèvent le jus
Doux flot qui sourd du chinois
Coulis court sur noir pudding
Pampres sur la tête
Ici ris, ici vis, toi
Le gargantua1
(1) Hélène Verdier (@h_verdier)
L’inquiète fileuse
Du 1er au 10 mars – Signe : Poissons ; Planète : Jupiter
L’inquiète fileuse
Croit voir Orion sorti
Et lève les yeux
Un brûlot luit-il si loin
Sur un flot qui toujours fuit
Elle tremble un peu
Son doigt roidi tord son fil
Ses lèvres remuent
L’illusion d’un profil vu
Surgit du fond d’un jour mort
Un être imprévu
Dit mot ni long ni trop fort
Et vint l’étincelle
Tout un soir fous corps unis
Ils ont connu l’ignition
Un vent furieux
Corrosif sirocco noir
Sèche ses pensées
Ont-ils voulu sort commun
Ont-ils conçu long futur
S’emmêle fusée
Omis choit son cordon gris
Pèse le silence
Nuit mord sur l’horizon froid
D’un long soupir fuit vision
Lapant sa grappa
Du 11 au 20 mars – Signe : Poissons ; Planète : Mars
Lapant sa grappa
L’idiot prit son violon
Lança sa java
Il avait la voix trop bas
Son chant traînait sans passion
La nana passa
Shirt coton snood longs cils noirs
A pas boitillant
Il s’acharnait sans sono
Chavirant son vibrato
Narrant macadam
Chiots dont crocs sont incisifs
Passants pas marrants
Alors s’approcha riant
La fada clopin-clopant
Là sans apparat
Son joli minois rosi
S’attarda chantant
Dans la paix s’harmonisa
L’instant fort d’accord total
Bravant la fatwa
Dont on voit clodos vomis
Par galants nababs
Par soir câlin joignant mains
Ont affranchi l’horizon
Catamaran blanc
Du 21 au 30 mars – Signe : Bélier ; planète : Mars
Catamaran blanc
Dérive et lentement file
Chassant par l’avant
Belle sirène serine
En mer entêtée s’exprime1
Ah chant charmant chant
Terrible vent de délices
Mantra balançant
Le marin se signe et tremble
Sa main agrippe la barre
Grand fanal là bas
L’invite il vire grisé
Par l’appât fatal
La rade à l’éclat changeant
Scintille en reflets de sang
S’amassant par bancs
L’excitent les sternes grises
D’agaçants cancans
Paraîtra-t-elle impassible
La reine à traîne d’écailles
Las rampant à ras
Récif le griffe et déchire
Fracassant safran
Dame indifférente égrène
Sa ballade cristalline
(1) Brigitte Pellat (@BrigittePellat)
Il s’est retiré
Du 31 mars au 9 avril – Signe : Bélier ; planète : Soleil
Il s’est retiré
En ces friches de silence
Cimes endormies
L’insecte pose son corps
Mordoré ; le soir s’étire1
Des gorges sonores
Cernent le repli secret
De gerbes espiègles
Derrière les pins cembros
Le monde vit et l’ignore
Le printemps s’éveille
Le rire des brises libres
Tinte en son oreille
Sont très loin les prisons froides
Dont l’ombre enterre l’espoir
Il prend le chemin
Siffle et vif le chien décrit
Des cercles précis
Les brebis grimpent en ligne
L’herbe berce le vent tiède
Si proche est le ciel
Empli des signes immenses
D’écrits envolés
L’homme en ces lignes déchiffre
Le songe éternel des neiges
(1) Brigitte Pellat (@BrigittePellat)
Prudente et secrète
Du 10 au 20 avril – Signe : Bélier ; planète : Vénus
Prudente et secrète
Petite vipère grise
Lentement furète
Libérée d’une mue sèche,
Ventre sur les pierres tièdes1
L’heureuse et légère
Fillette remplit les prés
De rumeurs de fée
Ses yeux emplis de lumière
S’émerveillent du printemps
L’heure est verte et tendre
Veille le fier épervier
Belette s’enterre2
les fleurs de neige se penchent
en secret vers leur psyché3
Fleurs bleues déclencheuses
Resplendissez d’emblée chez
Cent chercheurs chercheuses4
Puis vite détruisez presque
Le rude chiendent livresque4
En culbute brusque
Petite en plein met le pied
Sur l’humble serpent
Mû d’un meurtrier réflexe
Le reptile se détend
Dents cruelles fusent
Cinglent se fichent instillent
Le suc vénéneux
(1) Françoise Guichard.
(2) Brigitte Pellat (@BrigittePellat)
(3) Hélène Verdier (@h_verdier)
(4) Gilles Esposito-Farèse. Les deux strophes écrites par Gef contienent l’évocation de trois romans de Raymond Queneau. De plus elles constituent un «isotankwoosh», contrainte définie par lui qui combine tanka, isocélisme et twoosh (140 caractères). On en voit mieux la forme sous la présentation suivante:
Vents, frères du fleuve
Du 21 au 30 avril – Signe : Taureau ; planète : Mercure
Pour ce dernier texte du Zodianku j’accueille les membres de la liste Oulipo. Je leur suis très reconnaissant de me faire l’honneur de leur présence amicale.
Vents, frères du fleuve
venus du sud, de la mer
nés des steppes russes.1
Senteur exhalée d’Annan
Que le sable a répandue2
Fureur des nuées
Cet harmattan chaud s’abat,
Sec dessus l’erg nu.3
Quel mascaret d’espérance
Rechassa le vague à l’âme2
Prends l’heur en ces gemmes
Sculptant tes gestes futurs
Leurs splendeurs terrestres4
N’entends-tu pas cet augure
Que le temps mène au hasard4
Bébé des blés bleus
Né au creux du ruban blanc
De brume et de vent…5
La murène est dans le seau
Tu prends le râteau du temps5
Muse fuselée
Traverse une austère épave
Épure de fugue6
Flambeau fumant dans le vent
S’achève un labeur astral7
(1) Annie Hupé.
(2) Guy Deflaux ( @Wanatoctouillou )
Les deux premières strophes forment ensemble un tanka isocèle. La forme en apparaît mieux sous la présentation suivante :
(3) Françoise Guichard.
(4) Gilles Esposito-Farèse. Les deux strophes offertes par Gef forment à elles deux un isotankwoosh, forme définie par ce dernier comme un tanka isocèle de 140 caractères. On en verra mieux la forme dans l’image suivante:
(5) Nic Sirkis
(6) Brigitte Pellat (@BrigittePellat)
(7) Nicolas Graner
30 avril 2014 : Le zodianku est achevé, après un an de publication quotidienne. Un grand merci à tous les amis, Oulipotes et Twittérateurs, qui l’ont enrichi de leurs contributions tout au long de ces trente-six textes !