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Conte du poète désormais inutile

Tu prendras repentir, de soleil ars vicié,
D’un spasme tel usé, trouvère en citadelle :
Tôt forclore chant vert ; dolé, l’être scier.
Tonnerre stupéfiant ! Air vital à venelle.

Proser, flore veillant, n’impose net acier.
L’acide vent tournant a, virant, taré stèle.
Cesse ululer vers le désert ! Tâte foncier !
Départ du violon. Dur. Esprit tire échelle.

Il part, prend le flot nu, trace, tiré de rets.
Sur la rose du vent cille âne et rit à pente.
Repère-t-il décor à stuc ? Pur pillard, tente.

Lent parle, impuni, de tels cupides arrêts :
Ce fleuve, vers ce port tirera, roi, la honte !
Las va tourner, sort de ville dire ce conte.

Ces temps-ci la liste Oulipo travaille beaucoup sur les carrés magiques. Parmi les défis lancés, celui de Rémi Schulz qui a proposé le carré diabolique suivant
13 03 06 12
02 16 09 07
11 05 04 14
08 10 15 01
L’adjectif « diabolique » tient à ce que non seulement les sommes des lignes, colonnes et diagonales est égal à 34, mais que ce nombre est aussi la somme des 14 carrés d’ordre 2 pouvant être extraits du carré ci-dessus. Remplissant alors ce carré de listes de lettres de longueur égale au nombre de la case, il a proposé :
CROISERENVRAI LES MAINSP OETEDULEVANT
SE NTIRLEPIEDTRAPUD ESLECTEUR SDUREEL
TENTERLEFLO TCARR ELOP INIATREVANTANT
CESTLORD REECHOVOTI FALETREUNIVERSE L
Ces listes sont telles qu’en lisant les lignes on obtient :

Croiser en vrai les mains, poète du Levant,
Sentir le pied trapu des lecteurs du réel,
Tenter le flot carré, l’opiniâtre vantant,
C’est l’Ordre, écho votif à l’être universel.

Le défi consistait à écrire un sonnet dont chaque ligne serait anagramme de l’un des 14 carrés d’ordre 2 extraits. Ainsi les lignes du présent sonnet sont anagrammes de
CROISERENVRAI LES SE NTIRLEPIEDTRAPUD
MAINSP OETEDULEVANT ESLECTEUR SDUREEL
TENTERLEFLO TCARR CESTLORD REECHOVOTI
ELOP INIATREVANTANT FALETREUNIVERSE L
CROISERENVRAI MAINSP TENTERLEFLO ELOP
LES OETEDULEVANT TCARR INIATREVANTANT
SE ESLECTEUR CESTLORD FALETREUNIVERSE
NTIRLEPIEDTRAPUD SDUREEL REECHOVOTI L
SE NTIRLEPIEDTRAPUD TENTERLEFLO TCARR
ESLECTEUR SDUREEL ELOP INIATREVANTANT
NTIRLEPIEDTRAPUD ESLECTEUR TCARR ELOP
LES MAINSP NTIRLEPIEDTRAPUD ESLECTEUR
TCARR ELOP REECHOVOTI FALETREUNIVERSE
CROISERENVRAI OETEDULEVANT CESTLORD L
Ce texte est la troisième réponse après celles de Rémi Schulz et de Gilles Esposito-Farèse.
Posté sur la liste Oulipo le 11 mars 2019.

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jeux sur les digrammes

I

Au vagabond s'ouvrit la cité nourricière
Aima le regard franc et la liberté fière
Ivre d'enfin goûter l'abondance plénière
Posant alors son sac sourit à la lumière

Sut Ur. Ulula « Ta rare tétine ! Ton iris à nu ! L’or ! » Ô nolise son asile.

II

La duchesse aux sabots se croyait des jumeaux
Sa douleur au plus noir théâtre fut semblable
Mêla cent pleurs aux cris simples des animaux
Coupant l'appétit au pauvre ô pleur misérable


« Qu’un né ? » erra, Anne. Elle, en no : « Or réez, zoo à aï inné ! Et tu, un nu un naan n’a addé.

Gilles Esposito-Farèse a proposé sur la liste Oulipo divers jeux portant sur les digrammes (groupes de deux lettres). Le premier, qu’il a baptisé hétérodigramme consiste à considérer tous les digrammes formés d’une consonne et une voyelle pris dans la liste des dix lettres les plus fréquentes popularisée par Georges Perec : ESARTINULO. Il s’agit d’écrire un texte en utilisant une fois et une seule chacun de ces digrammes, dont voici la liste :
se sa si su so
re ra ri ru ro
te ta ti tu to
ne na ni nu no
le la li lu lo
Le premier texte ci-dessus, qui répond à cette contrainte, est précédé de son exégèse, un quatrain d’alexandrins isocèle.
Diverses variantes de ce jeu, un peu analogue aux dominos, ont été proposés. Le second texte s’autorise l’utilisation de tous les digrammes possibles d’une consonne et d’une voyelle, éventuellement avec répétition, mais comme aux dominos deux digrammes successifs doivent se connecter par une même lettre. Là encore l’exégèse est un quatrain d’alexandrins isocèle.
Posté sur la liste Oulipo le 6 mars 2019.

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Al toro sin cuernos

Je vaque, dévoyé, -ou veuf, – ou dégommé,
Vieux doge de Padoue. Ô bée, abîmé, dôme.
Du feu qui a fugué, du vivide oud aimé,
J’évoque fade vide, aboi qu’avive baume.

Ogive du koubba : qui m’y bagua pâmé ?
Ah, qui a vu magique Adige où voguai, môme !
J’ai humé mauve à Pâque où ma foi m’a paumé,
M’égaya hampe du gamay doux à ma paume.

Qui : homme ? Jéhovah ? Qui : pape ? mikado ?
Je divague, ébahi du gage de ma dame ;
Igue me piège, abîme où m’aime apode femme.

Evadé de Yama, mimai fameux judo.
Beau maqam dédiai, de ma gigue kiffée,
Aux aveux de ma mie, aux appeaux de ma fée.

Une tradition chez les Oulipotes est de réécrire le Desdichado de Gérard de Nerval en appliquant diverses contraintes oulipiennes. Par ailleurs Georges Perec a popularisé par sa contrainte des « ulcérations » ( non appliquée ici ) la liste des 11 lettres les plus fréquentes : ESARTINULOC. Sur la liste Oulipo, Gilles Esposito-Farèse a lancé un défi lipogrammatique : réécrire le Desdichado en s’interdisant les consonnes de cette liste S,R,T,N,L,C. Les réponses sont tombées aujourd’hui à midi, incluant bien sûr celle de Gef, et toute une série d’autres remarquables sonnets. On trouve ici ma réponse. Je remercie Gef pour son aide sur le titre, qui constitue un Beau présent sur ESARTINULOC.
Posté sur la liste Oulipo le 4 février 2019.

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Voix, grandes eaux.

Cet enfant tête en l’air ne se fera-t-il prendre
À sortir dans la nuit, parlant vingt fois d’avoir
Compris qui a donné au monde de pouvoir
Répondre, quand les dieux regardent sans entendre ?

Son père lui a dit qu’il ne faut jamais rendre
À celui dont le cœur n’arrive pas à voir
La belle heure qui passe et, restant, croit vouloir
Cette chose qu’il semble à tout moment attendre.

Mais qui aime sentir, jusque vers lui, venir
La femme, le jeune homme, et dans sa main tenir
Une petite vie où deux bons yeux vont être,

Alors cent terres, oui, mille mers, vas devoir
Aller trouver pour un jour, en sa maison, mettre
Ce rien des premiers temps qu’il demande à savoir.

Ce sonnet, comme celui qui précède, suit la contrainte du sonnet à vocabulaire limité (basée sur les 175 mots les plus fréquents) proposée par Gilles Esposito-Farèse, qui en présente trois exemples sur son site.
Posté sur la liste Oulipo le 10 juillet 2018.

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Après ça, que répondre ?

Cet homme que la mer arrivant pensait prendre,
Un jour où tout semblait dire  « Je vais t’avoir  »
Où Dieu lui-même le regardait sans pouvoir
Faire rien contre l’eau qu’on n’aime pas entendre,

A parlé d’autres temps, en ce moment de rendre
Une vie où jamais de ses yeux n’allait voir
La femme de son cœur, croyant ses mots, vouloir
Donner sa main, rester avec lui, puis attendre.

« Enfant, je sentais quand allait le coup venir,
Connaissant où passer, quelle chose tenir.
Je comprenais un peu que devenir et qu’être.

À l’heure de la nuit, ma tête va devoir
Trouver maison de terre où pour toujours se mettre,
Et le monde de moi sortir et ne savoir.  »

Ce sonnet s’astreint à n’utiliser que les 175 mots les plus fréquents, selon la nomenclature établie par Etienne Brunet. Cette contrainte de vocabulaire limité, déjà bien étudiée sur la liste Oulipo, a été réactivée par Gilles Esposito-Farèse proposant d’écrire un sonnet dont étaient imposés les quatorze mots (tous des verbes) placés à la rime.
Posté sur la liste Oulipo le 3 juillet 2018.

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manga amer

Elisabeth Schwarzkopf, mythique soprano, fit un jour dans sa piscine un plongeon ridicule. La photo, retrouvée récemment devint rapidement virale.

« Torcha splash : kifez, web ! »

***

Après le concert, impossible de trouver de quoi faire à manger. Qu’à cela ne tienne, dansons sans attendre, dit-elle :

Elisabeth Schwarzkopf
« Woks pris : chef, hâtez bal. »

***

Sur Karl Schwarzschild :

Comme un baleinoptère engloutit les crevettes,
De la Sainte Russie, ainsi, le souverain,
Dont la santé n’avait le brillant de l’airain,
Se repaissait de vide et de lettres muettes.

« Schwa : krill d’HS czar. »

Jacques Perry-Salkow a lancé sur twitter le défi de composer des anagrammes d’Elisabeth Schwarzkopf. Il y a lui-même superbement répondu. On trouvera ici mes propositions. Gilles Esposito-Farèse, sur la liste où j’avais relayé ce défi, après avoir proposé de belles solutions, a proposé quant à lui un nom encore plus difficile : Karl Schwarzschild, qu’il présente ainsi « génie mort à
42 ans qui a trouvé une cruciale solution _exacte_ de la relativité
générale un mois seulement après l’article initial d’Einstein ». Ma réponse figure également ci-dessus. Le titre de cette page n’est qu’une anagramme d’« anagramme ».
Posté sur la liste Oulipo le 20 juin 2018.

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Révolution

Désorganisation, pognon colonisé,
Bookmakers compromis, spoliation gloutonne,
Dérogations, complots, consortiums empoisonnent
Nounou, poupon, bougnoul, prolo robotisé.

Sonores compagnons, repoussons composer.
Décochons horions, dégoupillons hormone,
Dépossédons voyou, ploutocrate, gorgone.
Exproprions prompto bourgeois couperosé.

Horloges tourneront, métronomes courront :
Apollons contrefaçonnés toujours mourront.
Pourquoi courtiserions bourbon mythologique ?

Organisons corpos, occupations, convois,
Arborons gonfalons, survoltons portevoix.
Détrônons zigoto molto soporifique.

Dans ce sonnet, tous les mots comportent exactement deux O. Cette contrainte a été proposée par Gilles Esposito-Farèse qui appelle de tels mots des « doublets ». Il en donne un merveilleux exemple sur le cas plus difficile des doublets en U.
Posté sur la liste Oulipo le 14 avril 2018.

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Nudité

Quelle épreuve plus dure, au musicien poussif,
Qu’exécuter au luth un funèbre prélude
Quand une affreuse pluie, au remous incursif,
Submerge un instrument soudain devenu rude ?

Quel refuge plus sûr, pour un cœur refusé,
Qu’une ruelle aveugle où toutes heures pleurent,
Enfouissant un amour aussi fou qu’abusé
Sous une armure brute, où doux souvenirs meurent ?

Autrefois, pur bonheur. Au jourd’hui sourde nuit
Où nulle lune pour un nocturne sourire
Adoucissant celui qui bruyamment soupire.

Sous une voûte brune, où sourd un creux ennui,
Une goutte parcourt une joue esseulée
Qu’essuie un pouce gourd. Luit sanguine aube ourlée.

Ce sonnet irrégulier met en œuvre une contrainte proposée ces jours-ci par Gilles Esposito-Farèse sur la liste Oulipo. Appelée par lui « singleton », elle consiste à imposer à tous les mots de comporter exactement une certaine voyelle, ici le U.
Posté sur la liste Oulipo le 8 avril 2018.

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Nuit lourde

Bu sky : dort
Un voyou,
Dry, groggy.
Fuyons du
Styx jus mort.

A la suite du texte précédent bâti sur une séquence vocalique exhaustive, Gilles Esposito-Farèse a prolongé l’idée en composant des lipogrammes en certaines voyelles, tandis que les voyelles restantes étaient traitées en séquence vocalique exhaustive (chaque suite de ces voyelles figure une fois et une seule). Comme Gef a exploré à peu près toutes les possibilités j’ai eu l’idée d’ouvrir le champ des possibles en ajoutant Y aux voyelles. Ainsi, le présent texte est un lipogramme en A,E,I tandis que chacune des suites possible comprenant les voyelles O, U, Y figure une fois et une seule.
Posté sur la liste Oulipo le18 août 2017.

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Oiseaux évanouis

Sans frein, court
Le gamin fouinant, en blouson mal teint, qu’un sale pion faf épris d’un ordre aigu
Croit casseur cool, barje.
Fuit quand l’empoignade point sur le charroi qui va
Comme un flot radieux qu’abîme or.

A genoux prient l’amour divin, maroufles, copains, tueurs craignos, réacs, requins.
L’onde audio miaule, colportant un récit puant.
L’œil pas net, un oiseau noircit.
Hauts pontes locaux,
Pieux, aboient.

L’air très doux geint, gazouille ; août dort.
Le gamin,
Qu’une passion d’ailleurs tord, débridant un corps libre,
Au trot sort de la nuit, que sa foi sait œuvre d’ignorants druides prosant sur l’ombre.
Ribauds cueillant sorts.

Maints tourments, désirs, souhaits, secouant son esprit qu’aguerrit son graal, l’insurgé fonce.
Rit quand croise un paon, cœur ravi du léon traînant.
Lit un poème-cri qu’osaient,
Sur coachs, chœurs tribaux
Des noirs trashs.

Grand foehn bisque fort.
L’air mugit, orateur poignant.
Seul lui, calme, ôtant nœuds, liens moraux, l’idiot vague loin, sauvé du frimas fœtal.
Soir de lune.
Soir maudit, roseaux zombis, eau putride, champs morts.

Abolit chute, effroi, sudation, peur, atrocités qu’au ciel oblats marrons cueillent.
Soudain rit, troublant le moi d’un fâcheux violacé.
Chatouille de bouillants ripoux.
Repart, droit, sur l’eau,
Violent, hard.

D’autres mioches nus, gais, poilus, captent son courage.
Fiu d’hoax cléricaux,
D’émois creux.
Sans moisir, quand l’ombre fouaille,
D’un bond laissent la guivre, dont les suit la voix dure ; alors soufflent l’air qu’osent frais.

Chant qui vole en union magique ; mots d’amour, zen, vitaux ; mots déviant au soleil.
Leur corps saisi d’un orgasme où vit l’ange d’un soir,
Dans l’eau noient leur poitrail nu d’hommes.
Là sourient au choc
Sidéral.

Ce texte est bâti sur une séquence vocalique, c’est-à-dire une suite imposée de voyelles. On peut parler ici de « séquence vocalique exhaustive » car on impose que figure une fois et une seule chaque suite possible des 5 voyelles. Il y en a 120, ce qui fait 600 voyelles à placer (Ces séquences ont été intercalées afin d’éviter d’avoir d’abord toutes celles commençant par « a »). Imposant par ailleurs une moyenne de 1,5 voyelle par syllabe, ça donne 400 syllabes, réparties en 8 strophes de 50 syllabes et 75 voyelles. Or, tout comme dans les bigollos, le début de la suite de Fibonacci 3-5-8-13-21 donne précisément 50 syllabes. Pour faire un peu de variété, les strophes sont alternativement, les unes sur le schéma décroissant 21-13-8-5-3 et les autres réordonnées en appliquant à ces cinq nombres une quenine d’ordre 5.
Le respect dans chaque strophe de la moyenne de 1,5 voyelle par syllabe, usuellement facile, est ici rendu assez délicat par la séquence imposée de voyelles, où manquent les « e » tandis que les « u », « i », « o » sont surreprésentés. J’espère que la lisibilité n’en est pas trop affectée.
Posté sur la liste Oulipo le 7 août 2017.

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