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Le prix de la vie

Badinter 1

L'homme est un
animal qui tue.
Il avait, en disant cela,
le regard du vieux sage qui n'a jamais faibli.
Et sur le trottoir en courant passaient des meutes de héros brandissant des armes.

Tu es un
animal qui tue.
Ses yeux étaient braqués sur moi,
noirs, telle l'âme d'un revolver automatique.

Alors moi,
animal qui tue,
j'ai tourné le dos au miroir.

J'ai soufflé,
animal qui tue,

la bougie.

Lors de l’émission « La Grande Librairie » du 15 novembre, j’ai entendu la phrase « L’homme est un animal qui tue » prononcée par Robert Badinter. Elle m’a inspiré deux poèmes. Le premier, présenté ici, est un bigollo reprenant cette phrase en refrain.
On retrouvera le second à la page suivante.
Publié sur la liste Oulipo le 16 novembre 2023.

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e, l’emblème des déferlements déments

Du savant crois un sanglot voir
qui d'un pouvoir fol vous dota,

arrogants chamans du Gotha
qui vont fourbir croc ou tranchoir
si point n'accroît d'actions l'avoir
qu'un commis mal boursicota,
vous dont la passion d'apostat
conduit à bannir tout savoir
qui fait trop voir où court galop.

Dans tout profit Mort a son lot.

Du cours grimpant à taux massif
la plupart n'ont droit qu'à graillons.
Il faut nourrir d'un grain nocif
tout paysan portant haillons,
tout manant dormant au trottoir,
chassant rital, bougnoul, rasta,
fixant à l'OS lourd quota,
assignant à nana lavoir.

Du savant crois un sanglot voir,
qui d'un pouvoir fol vous dota.

Humains, quand l'amour vous quitta,
du marigot monta jus noir
noyant sols sous un fatal flot.
Dans tout profit Mort a son lot.
Ô vil actif, ô sourd passif,
qu'insouciants idiots nous raillions,
tous mourront, ramas implosif,
quand surgiront vos bataillons. 

Appelons cette forme un « double sonnet népérien ». Inspiré par les décimales du nombre e == 2,71828 ( dont pour le thème il s’inspire également du rôle dans la croissance exponentielle ), ce poème comporte des strophes de 2,7,1,8,2,8 vers, soit un total de 28 vers qui m’a conduit à adopter deux fois de suite le schéma de rimes du sonnet. Les strophes courtes m’ont paru propices au recours à des sortes de refrains.
Notons que 28 vers correspondent aussi à une ballade en octosyllabes. Je me suis un peu inspiré de la ballade, notamment pour les refrains et une espèce d’envoi. Mais pour le schéma de rimes j’ai préféré le sonnet double qui permettait mieux de placer les refrains aux bons endroits.
Le savant qui sanglote, c’est bien sûr Euler, qui a introduit le nombre e, base de la fonction exponentielle, mais n’oublions pas Neper dont les travaux ont introduit le logarithme et contribué à la mise en évidence de l’exponentielle.
Publié sur la liste Oulipo le 4 novembre 2023.

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Oasis d’un rêve nu

Ô l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux
Arrondis pour mieux voir poindre un cortège d'anges
Sur leurs luths égrenant des mélodies étranges !
Île qui m'accueillit, naufragé studieux,
S'échouant d'une mer que n'animent les rides
D'aucun élan courant ses stagnations virides.
Un solitaire pas d'errances pénitentes
Nuitamment devant moi fit surgir, crues et belles,
Rêvantes ses splendeurs parmi d'ocres ombelles.
Ensemble allâmes loin des poteaux et des tentes
Vers le sombre refuge où les bêtes cruelles
Épousailles se font sous les fleurs éclatantes.
Nous ne parlâmes pas de nos peines latentes :
Un vent chaud effaçait consonnes et voyelles.

Une idée proposée par Pierre Lamy a été largement illustrée ces jours-ci sur la liste Oulipo : celle de poème inversé. Partant d’un poème connu, il s’agit d’en conserver le dernier vers et l’ensemble des rimes qui apparaîtront dans l’ordre inverse. Le sonnet inversé ci-dessus est composé selon cette nouvelle contrainte, à partir de « Voyelles » d’Arthur Rimbaud, selon une version augmentée dans laquelle ce sont les mots à la rime qui sont conservés. De plus le titre est repris en acrostiche.
Publié sur la liste Oulipo le 30 octobre 2023.

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Les mal dressés

D'Élam, de Sahel, de Harar
démarrent les mal armés,
damés, amers, désamarrés.

La mère les a hélés :
Hélas mal m'a de dards lardée !
Ça et là sera semée
ma smala. Ha ! Cèdent mes larmes.

Des scélérats les ramassent.
Scellés, ardés, l'âme arasée,
dressés à raser les dalles,
à l'arrêt macèrent malades.

Delà ce dédale allés,
errent, déhalés. Et les sassent
la mer, la lame, le sel.

À la rade l'alarme slame
Là ! la marée a halé
dames et mâles, ladres, marles,
lésés, sales, mal rasés.

Ah race de rats mal dressés,
râlent les merles armés.
À la mer ! et merde à Allah !

Serrés, hersés, harcelés,
déradent ces hères, se cèlent.
À messe de Mars se massent
et dardent lames acérées. 

Débutée dix ans après le naufrage de Lampedusa, et dans une situation épouvantable en France et dans le monde, la rédaction de ce poème a été difficile. Outre l’alternance 8/7 des vers, est mis en œuvre un bivocalisme littéral, ainsi qu’un hexaconsonantisme phonétique.
Publié sur la liste Oulipo le 15 septembre 2023.

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Mad, on net ends, arose : Madonne tend sa rose.

Sur le divan dont j'ai rêvé
comment broder, tel un insecte,
une image simple et correcte
à l'étage où je dors, crevé ?

Can I decorate, normal a desire, couch on sleeping level, ant ?

Barked as a dog player of horn
at singer, whom awful desease
tortured as pins, and who like geese
cried, or like cow when calf is born.

Canidé, cor à ténor : malade sire ? Couchons le, épinglé, vêlant.

Nouvel essai d’un isogramme bilingue, déjà tenté il y a dix ans.
Publié sur la liste Oulipo le 28 septembre 2023.

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ma démesure made me sure

Ornements comme uniforme
De ces chimistes hors norme
N’obvient au triste bilan
Le monde est sanguinolant

Bridle, suitable dress, emblem, o insane green chem is equal. I’m on a desert.

He was followed by his boy
Such obsequious man enjoy
Equipped with a liquid mind
Bringing what you ought to find

Brid le suit à bled : ressemble moins à nègre en chemise qu’à limonade. Sert.

Ce poème est un essai d’homographie bilingue adressé au site littéraire anglophone HOAX qui m’a fait l’honneur de l’afficher en bonne place.
Posté sur la liste Oulipo le 11 juin 2013.

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Je crois que deux et deux sont quatre

Onc il eut, à son jeu libéral,
en art seul penchant
et aux dieux dédain.


Il eut ans,
  et à ce regard,
  temps
  différant,
en arc se pencha.


En air
  eau à crêts mêla
  feu
    et aux cieux versa
    le
    sang.


Ergs, aas
  à mer cédaient.
    Eaux à prés jetaient
    plein
    vrac.


Et as,
  à mer entrant,
    à ce néant
    va.


Eut art.
  A des géants
    le trépas.


Et a
  de
    grès
      le repas. 

Une citation de Dom Juan de Molière sert de titre à ce nouvel essai de la contrainte lambda, tandis que le texte s’inspire ( très librement ) de son destin.
En λ-calcul toute l’arithmétique est représentée. Voici comment on traduit
le nombre 2 : λe λa ( e ( e a ))
le nombre 4 : λe λa ( e ( e ( e ( e a ))))
et généralement le nombre k : λe λa ( e ( e ( e ( e … ( e a ) … )))) dans lequel sont présentes k occurrences de « e ».
l’addition est le terme λo λi λe λa ( o e ( i e a ))
et le calcul que traduit ce poème part de ( + 2 2 ) et aboutit à 4 ; comme auparavant les indentations remplacent les parenthèse compliquées :

λo λi λe λa ( o e ( i e a ))
λe λa ( e ( e a ))
λe λa ( e ( e a ))

->

λi λe λa
  λe λa ( e ( e a ))
  e
  ( i e a )
λe λa ( e ( e a ))

->

λe λa
  λe λa ( e ( e a ))
  e
    λe λa ( e ( e a ))
    e
    a

->

λe λa
  λa ( e ( e a ))
    λe λa ( e ( e a ))
    e
    a

->

λe λa
  λa ( e ( e a ))
    λa ( e ( e a ))
    a

->

λe λa
  λa ( e ( e a ))
  ( e ( e a ))

->

λe λa
  e
    e
      e ( e a )

Vocabulaire : aa = coulée de lave volcanique rugueuse.
Publié sur la liste Oulipo le 20 septembre 2023.

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Tabou

Ah, tout
à coup
l'amour
partout !

Bras... cou...
fard roux...
atours...
nard fou...

Va gnou,
va loup.
J'accours
à vous.

Mal ? ou
art doux ?
Ma cour
absous.

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Étreindre

On a toujours envie de longuement
étreindre
un ami.

Ah, étreindre ? Étreindre...
    Entier
    cet
    espiègle heur bref.
Us admis.

Étreindre ? Enfreindre ?
Éveil
en
entière mue, prêt.

Étreindre ? Enceindre ?
Étier
vers
enceinte vue : mer. 

Ce poème est la première tentative d’une nouvelle « contrainte lambda », adaptation de la théorie du λ-calcul importante en informatique théorique. On trouvera la description de cette contrainte très matheuse dans la page « Contraintes » de ce site.
Ci-dessous le terme représenté par la première strophe du poème, et les termes successifs du calcul dont le poème est l’habillage. Notons que la quatrième strophe est identique à la précédente : en effet le premier vers est un exemple classique de calcul infini en λ-calcul. J’ai choisi d’arrêter le poème dès que cette situation se présente.

Terme initial :

λo λa ( (ou ou ) λe ie e  ( o ue e ) ) λe (ei e) λu λa i

Le même en 3 lignes pour permettre la suppression des parenthèses dans la traduction :

λo λa ( (ou ou ) λe ie  e  ( o ue e ) )
λe (ei e)
λu λa i

[ réduction du λo ] ->

λa (λe (ei e) λe (ei e) )
   λe ie
   e
   λe (ei e) ue e
λu λa i

[ réduction du premier λa ] ->

λe (ei e)  λe (ei e)
λe ie
e
λe (ei e) ue e

[ réduction du premier λe ] ->

λe (ei e) λe (ei e)
λe ie
e
λe (ei e) ue e

Publié sur la liste Oulipo le 11 septembre 2023.

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Chantre vole

Et l'unique appris s'emmêle,
cordeau sabré par nos peurs.
Des trompettes, les clameurs
marines nous servent d'aile.

Dans ce quatrain isocèle on peut lire, en acrostiche de groupes de mots par vers, le poème « Chantre » de Guillaume Apollinaire. ( la terminologie unifiée « acrostiche de X par Y est due à Nicolas Graner ). C’est aussi un essai de codage gématrique binaire, une idée de Rémi Schulz : La gématrie de chaque vers est la somme des valeurs de ses lettres si l’on compte a=1, b=2, …, z=26. Chacune de ces quatre gématries est écrite en numération binaire, et la représentation de ces quatre nombres binaires sous forme de suite de carrés noirs (pour les 1) et blancs (pour les 0) donne une image. Dans l’image codée gématriquement par ce poème, visible ci-dessus ( et dont je n’ai su ôter une verrue ), je vois une anagramme du mot « FIL » en résonance à l’emmêlement du cordeau. L’isocélisme n’est pas affecté par le retrait de la ponctuation.
Publié sur la liste Oulipo le 9 septembre 2023.

Note : ci-dessous une variante qui m’a été communiquée par Gilles Esposito-Farèse. On y trouve un codage gématrique parfait de l’image du mot FIL qui le suit :

Et l'unique frontière,
Cordeau là, du balai !
Des trompettes à lai ?
Marines : à sa bière !

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