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Révolution

Désorganisation, pognon colonisé,
Bookmakers compromis, spoliation gloutonne,
Dérogations, complots, consortiums empoisonnent
Nounou, poupon, bougnoul, prolo robotisé.

Sonores compagnons, repoussons composer.
Décochons horions, dégoupillons hormone,
Dépossédons voyou, ploutocrate, gorgone.
Exproprions prompto bourgeois couperosé.

Horloges tourneront, métronomes courront :
Apollons contrefaçonnés toujours mourront.
Pourquoi courtiserions bourbon mythologique ?

Organisons corpos, occupations, convois,
Arborons gonfalons, survoltons portevoix.
Détrônons zigoto molto soporifique.

Dans ce sonnet, tous les mots comportent exactement deux O. Cette contrainte a été proposée par Gilles Esposito-Farèse qui appelle de tels mots des « doublets ». Il en donne un merveilleux exemple sur le cas plus difficile des doublets en U.
Posté sur la liste Oulipo le 14 avril 2018.

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Oripeaux

Nudité

Quelle épreuve plus dure, au musicien poussif,
Qu’exécuter au luth un funèbre prélude
Quand une affreuse pluie, au remous incursif,
Submerge un instrument soudain devenu rude ?

Quel refuge plus sûr, pour un cœur refusé,
Qu’une ruelle aveugle où toutes heures pleurent,
Enfouissant un amour aussi fou qu’abusé
Sous une armure brute, où doux souvenirs meurent ?

Autrefois, pur bonheur. Au jourd’hui sourde nuit
Où nulle lune pour un nocturne sourire
Adoucissant celui qui bruyamment soupire.

Sous une voûte brune, où sourd un creux ennui,
Une goutte parcourt une joue esseulée
Qu’essuie un pouce gourd. Luit sanguine aube ourlée.

Ce sonnet irrégulier met en œuvre une contrainte proposée ces jours-ci par Gilles Esposito-Farèse sur la liste Oulipo. Appelée par lui « singleton », elle consiste à imposer à tous les mots de comporter exactement une certaine voyelle, ici le U.
Posté sur la liste Oulipo le 8 avril 2018.

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Oripeaux

Nuit lourde

Bu sky : dort
Un voyou,
Dry, groggy.
Fuyons du
Styx jus mort.

A la suite du texte précédent bâti sur une séquence vocalique exhaustive, Gilles Esposito-Farèse a prolongé l’idée en composant des lipogrammes en certaines voyelles, tandis que les voyelles restantes étaient traitées en séquence vocalique exhaustive (chaque suite de ces voyelles figure une fois et une seule). Comme Gef a exploré à peu près toutes les possibilités j’ai eu l’idée d’ouvrir le champ des possibles en ajoutant Y aux voyelles. Ainsi, le présent texte est un lipogramme en A,E,I tandis que chacune des suites possible comprenant les voyelles O, U, Y figure une fois et une seule.
Posté sur la liste Oulipo le18 août 2017.

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Oripeaux

Oiseaux évanouis

Sans frein, court
Le gamin fouinant, en blouson mal teint, qu’un sale pion faf épris d’un ordre aigu
Croit casseur cool, barje.
Fuit quand l’empoignade point sur le charroi qui va
Comme un flot radieux qu’abîme or.

A genoux prient l’amour divin, maroufles, copains, tueurs craignos, réacs, requins.
L’onde audio miaule, colportant un récit puant.
L’œil pas net, un oiseau noircit.
Hauts pontes locaux,
Pieux, aboient.

L’air très doux geint, gazouille ; août dort.
Le gamin,
Qu’une passion d’ailleurs tord, débridant un corps libre,
Au trot sort de la nuit, que sa foi sait œuvre d’ignorants druides prosant sur l’ombre.
Ribauds cueillant sorts.

Maints tourments, désirs, souhaits, secouant son esprit qu’aguerrit son graal, l’insurgé fonce.
Rit quand croise un paon, cœur ravi du léon traînant.
Lit un poème-cri qu’osaient,
Sur coachs, chœurs tribaux
Des noirs trashs.

Grand foehn bisque fort.
L’air mugit, orateur poignant.
Seul lui, calme, ôtant nœuds, liens moraux, l’idiot vague loin, sauvé du frimas fœtal.
Soir de lune.
Soir maudit, roseaux zombis, eau putride, champs morts.

Abolit chute, effroi, sudation, peur, atrocités qu’au ciel oblats marrons cueillent.
Soudain rit, troublant le moi d’un fâcheux violacé.
Chatouille de bouillants ripoux.
Repart, droit, sur l’eau,
Violent, hard.

D’autres mioches nus, gais, poilus, captent son courage.
Fiu d’hoax cléricaux,
D’émois creux.
Sans moisir, quand l’ombre fouaille,
D’un bond laissent la guivre, dont les suit la voix dure ; alors soufflent l’air qu’osent frais.

Chant qui vole en union magique ; mots d’amour, zen, vitaux ; mots déviant au soleil.
Leur corps saisi d’un orgasme où vit l’ange d’un soir,
Dans l’eau noient leur poitrail nu d’hommes.
Là sourient au choc
Sidéral.

Ce texte est bâti sur une séquence vocalique, c’est-à-dire une suite imposée de voyelles. On peut parler ici de « séquence vocalique exhaustive » car on impose que figure une fois et une seule chaque suite possible des 5 voyelles. Il y en a 120, ce qui fait 600 voyelles à placer (Ces séquences ont été intercalées afin d’éviter d’avoir d’abord toutes celles commençant par « a »). Imposant par ailleurs une moyenne de 1,5 voyelle par syllabe, ça donne 400 syllabes, réparties en 8 strophes de 50 syllabes et 75 voyelles. Or, tout comme dans les bigollos, le début de la suite de Fibonacci 3-5-8-13-21 donne précisément 50 syllabes. Pour faire un peu de variété, les strophes sont alternativement, les unes sur le schéma décroissant 21-13-8-5-3 et les autres réordonnées en appliquant à ces cinq nombres une quenine d’ordre 5.
Le respect dans chaque strophe de la moyenne de 1,5 voyelle par syllabe, usuellement facile, est ici rendu assez délicat par la séquence imposée de voyelles, où manquent les « e » tandis que les « u », « i », « o » sont surreprésentés. J’espère que la lisibilité n’en est pas trop affectée.
Posté sur la liste Oulipo le 7 août 2017.

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Oripeaux

le diable qui voulait chanter

Fol venu des cloaques,
complice des termites,
des planches aboutées
que ce géant gravisse !
Qu’aux dames apeurées
fasse perdre semaille !

L’aube de feu émaille
grumes, épines, cloques
qu’aux combes apurées
ébarbent deux ermites,
afin que Dieu ravisse
âmes en croix boutées.

Sous de calmes bouées
va dérivant la maille.
Oh ! L’intrus se ravise,
dit aux hommes cloués :
« Un divin chant émîtes,
ô brasseurs de purées.

« Voix câlines et pures
à mes yeux font buées,
rongés comme, de mites,
lainages mis en malle.
Hommes que j’ai loués,
et qu’à ce jour avise,

donnez moi votre avis
( chut, géhenne qui pues !).
Règles avez-vous lues
que force hontes bues
ôtent de ma voix mâle
son qui ravirait mies ? »

Oblats de lui ont mis
le cas dessus les ais :
« Tu fais certes le mal.
Il faut sécher le pus.
Stoppe ton triste bus,
nos ratafias bois-les. »

Chanter mi, tu l’as pu !
car tu as beaucoup bu,
près de ma cave, au lé.

Après mon poème «  L’attendrissement », hommage à l’Oulipien récemment décédé Harry Mathews qui reprenait une contrainte, proposée par ce dernier, de N-ine à anagrammes croissantes, Gilles Esposito-Farèse a proposé (et illustré par un magnifique poème) l’idée de réaliser une sextine dans laquelle les anagrammes croissantes soient obtenues par adjonction progressive d’une lettre sans changer l’ordre. Aux six strophes de la sextine est ajoutée selon la tradition une tornada dans laquelle les six mots sont repris une dernière fois. Dans cette version, comme dans celle de GEF, les anagrames sont utilisées dans l’ordre décroissant afin de pouvoir mettre dans la tornada les mots de taille minimale : mi, pu, as, bu, ma, lé. La version ci-dessus est munie d’une ponctuation, ce qui cache une contrainte supplémentaire d’isocélisme visible dans la version originale ci-dessous.
Posté sur la liste Oulipo le 6 février 2017.

fol venu des cloaques
complice des termites
des planches aboutées
que ce géant gravisse
qu'aux dames apeurées
fasse perdre semaille

l'aube de feu émaille
grumes épines cloques
qu'aux combes apurées
ébarbent deux ermites
afin que dieu ravisse
âmes en croix boutées

sous de calmes bouées
va dérivant la maille
oh l'intrus se ravise
dit aux hommes cloués
un divin chant émîtes
ô brasseurs de purées

voix câlines et pures
à mes yeux font buées
rongés comme de mites
lainages mis en malle
hommes que j'ai loués
et qu'à ce jour avise

donnez moi votre avis
chut géhenne qui pues
règles avez-vous lues
que force hontes bues
ôtent de ma voix mâle
son qui ravirait mies

oblats de lui ont mis
le cas dessus les ais
tu fais certes le mal
il faut sécher le pus
stoppe ton triste bus
nos ratafias bois-les

chanter mi tu l'as pu
car tu as beaucoup bu
près de ma cave au lé

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Le prix de la vie

l’attendrissement

celui qui a
lu qui a ri
ravi de ma
prose aurait-ti
fui ne sais où

je me tords le cou
ne restons pas là
je m’en vais chez toi
à portée de tir
toi mon grand ami

tu m’as tendu la main
tu m’as offert un coup
sans aucun autre rite
l’amitié vint sans mal
ton chat fit le trio

ô douleur est-ce une ortie
brusquant ma douce manie
est-ce un dard est-ce une lame
c’est te voir vider ta coupe
t’étendre et sans fin te taire

aujourd’hui ton chemin m’attire
sur lequel s’ouvre la sortie
irai-je seul irai-je en couple
au royaume exempt de demain
trouver l’or caché sous l’émail

Le 25 janvier 2017 est mort Harry Mathews, un des membres de l’Oulipo. HM avait écrit une sextine à anagrammes croissantes intitulée « L’agrandissement » qu’on pourra trouver par exemple dans l’Anthologie de l’Oulipo de Marcel Bénabou et Paul Fournel. Pour un modeste hommage j’ai pensé à une quenine à anagrammes croissantes.
Posté sur la liste Oulipo le 28 janvier 2017.

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Chromos Oripeaux

Décrochement

Las des appels incessants où défilent assurances-vie prémonitoires et primes isolatoires, soûlé par les collègues m’inondant en pleine nuit de leurs avocasseries ininterrompues, j’ai décroché mon téléphone. J’ai filé dans la rue, happé par le grouillement rassurant du trottoir. Quelques permissionnaires évocateurs importunaient des femmes aux longues jambes, quémandant des réservations parcimonieuses. Des grappes de porcelainiers estudiantins s’invectivaient joyeusement au plus fort de leur éternelle discussion interplanétaire. Un tandem de missionnaires en uniforme guindé, tentait de vendre leurs spiritualités draconiennes à trois parasites unidirectionnels qu’ils s’évertuaient à détourner de leurs prédestinations culinaires.

Deux gendarmes se profilèrent sous un lointain réverbère. Tous aux abris, voilà les grippe-coquins de la leishmaniose désincrustante. Aussitôt, d’un furtif geste du bras droit, élégants ambianceurs, saintes-nitouches madrilènes, rugbymen désintoxiqués, ecclésiastiques caresseurs, innocents présumés, tous firent disparaître le bas de leur visage sous une gaze bleutée. Clandestinités harmonieuses ! Dissimulation enchanteresse ! Réconcilié avec l’univers, j’avançai dans cette mer de la tranquillité, solitaire au milieu d’une myriade de solitudes où je découvris enfin la joie de l’anéantissement.

Ce texte est ma réponse à un défi lance par Gilles Esposito-Farèse. Il avait trouvé trois groupes de 4 ou 5 couples nom-adjectif qui, dans chaque groupe, étaient anagrammes les uns des autres:

Premier groupe :
        assurances-vie prémonitoires
	avocasseries ininterrompues
	permissionnaires évocateurs
	réservations parcimonieuses
Deuxième groupe :
        clandestinités harmonieuses
	dissimulation enchanteresse
	leishmaniose désincrustante
	saintes-nitouches madrilènes
Troisième groupe :
        discussion interplanétaire
	parasites unidirectionnels
	porcelainiers estudiantins
	prédestinations culinaires
	spiritualités draconiennes

Le défi consistait à écrire un texte en prose contenant chacun des couples de l’un de ces groupes. Cette contrainte est connue sous le nom de « logo-rallye » mais ici l’ordre d’apparition n’était pas imposé. Le présent texte, comme l’avait fait Gilles, contient en fait la totalité des trois groupes.
Posté sur la liste Oulipo le 22 mars 2021.

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Twittérature

Une pluie de bergeries

Le Sankulipo, cycle d’un an de haïkus lipogrammatiques basés sur le calendrier républicain, qui avait commencé le 1er mai 2015, s’est donc achevé le 30 avril 2016. Pour fêter l’achèvement de cette aventure, chacun était invité à écrire un texte sur une contrainte oulipienne de son choix, à partir de la chanson de Fabre d’Eglantine « Il pleut, il pleut, bergère ». Cette page rassemble les poèmes qui m’ont été envoyés pour cette occasion. Merci à tous leurs auteurs.

Abécédaire

A-t-elle bien suivi la météo du jour ?
Bergère, peu prudente, va, sans parapluie,
Conduire son troupeau tout bêlant alentour
Dans la verte pâture à l’herbe épanouie.
Et voici que soudain l’orage tombe à verse.
Fort, sûr de lui, avance, à la langue perverse,
Gaillard et bien vêtu, un poète aux beaux yeux,
Honnête en apparence et très libidineux.

Il l’aborde et l’invite à marcher à sa droite :
« Je connais un abri, viens avec moi, marchons ! »
Kebabs anticipés, ou merguez, les moutons
Lassés vont à l’abri. Bergère, maladroite,
Met sa main dans la main du séducteur poli,
Ne sachant pas qu’il la conduit tout droit au lit.
Obligeant, le galant la présente à sa mère,
Puis à sa sœur, et la conduit dans la chaumière.

« Quitte donc cette robe à côté des tisons,
Réchauffe ta peau nue. En corset, tu es belle !
Sur ma litière viens, comme une douce agnelle.
Tu ne manges donc pas ? Sens-tu mes pâmoisons ?
Un flambeau brûle en moi, plus chaud que ce mélèze.
Vois ce qu’a fait l’orage : il faut que je te baise.
William est mon prénom, je suis le fils du roi
Xavier, et je t’épouse et t’en jure ma foi… »

Y faut-il croire ou non ? Ce Pâtre d’Églantine,
Zélé puis nonchalant, interrompt sa comptine.

Bernard Maréchal
(Acrostiche alphabétique)

Tendre berger
Jolie bergère

Tu peux cacher Mémère
Ce joli ventre oblong
Porter une guêpière
Le laçage tient bon
Car par ce fagotage
Qui se dira surpris
Avec tes rembourrages
Tu ne fais pas un pli

Tu peux brider Pépère
Ton ventre turgescent
A ta sous-ventrière
Enfile tes passants
Même si ça condamne
Une part du plaisir
A pisser comme un âne
Tu ne vois rien venir

Si Compère et Commère
S’attachent au devoir
Une seule grammaire
Se conjugue le soir
Leur canapé vacille
Emoi dans la maison
Panache d’escarbilles
Sous un coup de canon

Qui la croirait amère
La soupe des vieux os
Si Mémère et Pépère
La sortent du frigo
A remonter en selle
Pour refaire à dada
On retrouve des ailes
Et on n’en mourra pas

Guy Deflaux
(Homomorphisme  : homorimes)

Le temps est en tempête

Le temps est en tempête
presse tes bêtes   elles bêlent
rentre en venelles vertes
bergère preste preste
j’entends en des chênes et frênes
des thermes en effervescences
le vent d’est s’est levé
le reste se perd en ténèbres

Entends le stress des vents
enfler et embêter les gens
prends cette entrée senestre
c’est celle des temples grecs
et je crèche en ces éléments
mère et Hélène en prennent
les clés c’est l’ entrée
de ce belvédère

Rêve rêve mère
et Hélène rêve
c’est cette bergère
qe je mène
sécher ses vêtements
près des cendres
Hélène telle femme de mes ex-frères
rentre les bêtes

Cette belle , chère mère
est près de ses bêtes
le bébé chèvre espère
des blés tendres
et les sens de cette bergère se désespèrent
elle se dévêt près de ce mec
elle est belle , mère
et c’est l’eveedence

je t’emmène becqeter
prend cette chèze près des fenêtres
ces cendres de mélèze
percent entre tes dentelles
c’est les tempêtes
elles te stressent
je sens q’elle cherche de l ède
et je m’empresse vers elle

C’est le rêve de cette bergère
rêve rêve
et qe je bêze tes lèvres
c’est excellent
ne reste verte bergère
mère et tel berger se rendent
chez le père de tes rêves
celer ces senteements

Philippe Simon
(Monovocalisme)

La Bergère acrostiche et l’Auteur Bel Absent

« Viens au chalet, joyeuse bergère impudique,
Puisque hiver pleut bien dru, je t’offre un grog chez moi. »
« Mon chien jappe vers toi, ce gardien famélique.
Vois : quand il fait bien chaud, je glapis mon émoi.
Gros paillard, vif bouquin arrachant mon jupon,
Cheval pensif ! Je beuglerai mieux qu’un mouton.
Holà, mon grand coquin, j’avais soif, j’ai trop bu !
Couche d’enfer, voilà que jouit mon beau corps nu !
Quand hyperactif dort, je veux manger, baiser !
Mon gros bœuf, cher mouton qui dors, je peux veiller ? »
Joufflu veut épouser bergère qui moucharde.
Ce pelvis magnifique, aujourd’hui roux, bavarde.
Quand le pochard l’enjambe, fort comme un gros veau,
Ce gros vit pique et jouit, chaud baiser au flambeau.
Fallait-il qu’aujourd’hui public l’ait vu, gamins ?

Bernard Maréchal
(Bel absent sur « Fabre d’Eglantine »)

L’Hébergement
 (bergerade)

L’averse est là, bergère,
Presse tes agnelets.
Rentre-les chez ma mère,
Allez, dépêche, allez !
J’entends, dans les branchages,
La drache avec fracas ;
Les éléments en rage
Lancent de grands éclats.

Entends cette tempête
S’avancer en crachant ;
Cherche à cacher ta tête
À ma dextre, en marchant.
Regarde ma cabane
Et là, devant l’entrée,
Ma mère et ma chère Anne :
L’étable est préparée.

Belle vêprée, ma mère,
Chère Anne également.
J’amène ma bergère
En cet appartement.
Vas te sécher, ma belle,
Devant cette flambée.
Anne, parle avec elle.
Entrez, bêtes trempées.

Gardez de près, ma mère,
Ce cheptel pantelant ;
Préservez de la terre
Les agnelets bêlants.
Assez : je pars près d’elle.
Elle est en place, là,
Très belle en ses dentelles ;
Mère, regardez-la !

Venez manger à table
En me serrant de près ;
Cette branche d’érable
Va s’enflammer exprès.
Belle, prends de la crème !
Elle n’en mange pas ?
De la tempête extrême
Se ressentent ses pas.

Entre ces draps blancs, reste,
Sage, à te prélasser.
Permets ce tendre geste :
Tes lèvres embrasser.
Ne tremble pas, bergère ;
En allant prestement
Chez tes parents, j’espère
Sceller l’engagement.

Nicolas Graner
( Bivocalisme )

Il pleueueueueu !

Il pleut, il pleut, bergère,
Presse tes blancs moutons ;
Allons sous ma chaumière,
Bergère, vite, allons :
J’entends sur le feuillage,
L’eau qui tombe à grand bruit ;
Voici, voici l’orage ;
Voilà l’éclair qui luit.

Il pleueueueueu !

Entends-tu le tonnerre ?
Il roule en approchant ;
Prends un abri, bergère,
A ma droite, en marchant :
Je vois notre cabane…
Et, tiens, voici venir
Ma mère et ma sœur Anne,
Qui vont l’étable ouvrir.

Il pleueueueueu !

Bon soir, bon soir, ma mère ;
Ma sœur Anne, bon soir ;
J’amène ma bergère,
Près de vous pour ce soir.
Vas te sécher, ma mie,
Auprès de nos tisons ;
Sœur, fais-lui compagnie.
Entrez, petits moutons.

Il pleueueueueu !

Soignons-bien, ô ma mère !
Sont tant joli troupeau ;
Donnez plus de litière
A son petit agneau.
C’est fait : allons près d’elle.
Eh bien ! donc, te voilà ?
En corset, qu’elle est belle !
Ma mère, voyez-là.

Il pleueueueueu !

Soupons : prends cette chaise ;
Tu seras près de moi ;
Ce flambeau de meléze
Brûlera devant toi :
Goûte de ce laitage ;
Mais tu ne manges pas ?
Tu te sens de l’orage ;
Il a lassé tes pas.

Il pleueueueueu !

Eh bien ! voilà ta couche,
Dors-y jusques au jour ;
Laisse-moi sur ta bouche
Prendre un baiser d’amour.
Ne rougis pas, bergère,
Ma mère, et moi, demain,
Nous irons chez ton père
Lui demander ta main.

Il pleut, il pleut, bergère,
Presse tes…
Blancs moutons

Guy Deflaux
(« A noter que Fabre d’Eglantine a dû changer la musique ce cette chanson, lorsqu’il s’est aperçu qu’il s’apprêtait à commettre un plagiat par anticipation de la chanson de Nougaro “ La pluie fait des claquettes ” ! »)

Bergère en centon, pour une crèche modernisée

Il pleut, et le vent vient du nord.
Moutons et chiens, tout venait de rentrer
Au seuil de ma pauvre chaumière.
A quoi pensez-vous, bergère,
Quand l’ombre se répand et brunit le feuillage,
Au bruit de l’eau qui va mouvant les herbes grêles
Comme un souffle d’un vent d’orage,
Sous l’éclair des cieux rougissants ?

La tempête naissante est grosse d’un tonnerre,
Et l’approchant toujours, mais sans jamais l’atteindre,
À l’abri du grand froid en une vaste grange,
Marche, et tout en marchant dévore le passé.
Il est nuit. La cabane est pauvre, mais bien close.
Tiens ! La petite bête est morte.
Mes sœurs, priez, ma mère… ô mère, êtes-vous là,
Dans le foin capiteux qui réjouit l’étable ?

Mère des jeux latins et des voluptés grecques,
Chaque sœur à l’appel de la cloche s’élance
Pour une bergère insensible.
Que diras-tu ce soir, pauvre âme solitaire ?
Plus de feu pour sécher le linge des lavoirs ?
J’y apporte du feu de trois fois trois tisons.
Soyez donc de la compagnie,
Pâtre, chiens et moutons, toute la bergerie.

Viendrez-vous le soigner enfin ?
Le piétinant troupeau pressé des brebis passe.
Cette litière est vieille : allez vite aux greniers.
L’agneau broute le serpolet.
Allons chez nous, ma mie, ô ma Muse à l’œil bleu !
Voilà qu’on aperçoit un tout petit chiffon
Qu’on voit fleurir dans son corset qui bouge !
Je me dis : Qu’elle est belle ! Et bizarrement fraîche !

Mets ta chaise près de la mienne,
Tu n’y seras pas sans emploi.
A la lueur de mon flambeau,
Qui brûlera, combien de soirs, l’hiver ;
Les fleurs, le miel, ô mon amie, et le laitage,
Ah ! tout est bu, tout est mangé ! Plus rien à dire !
Et, pleurant, elle attend l’orage qui s’apprête,
Lasse et ses beaux yeux bleus déjà presque endormis.

Rien ne me vaut l’abîme de ta couche ;
Dors ou fume à ton gré ; sois muette, sois sombre.
L’oubli puissant habite sur ta bouche,
Et j’irai te baiser et le front et les yeux.
Tu souris ? Tu rougis ? Que ta joue est brillante !
Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne,
Nous irons, si tu veux, jusqu’au soir, à pas lents,
Demander l’avenir à la grande Nature.

Bernard Maréchal
 ( Centon sur les œuvres de :
BANVILLE Théodore de
BAUDELAIRE Charles
CERTON Salomon
CHÉNIER André
CROS Charles
DESBORDES-VALMORE Marceline
DU BOIS-HUS Gabriel
GAUTIER Théophile
GILL Charles
GOHORRY Jacques
GOURMONT Remy de
GUÉRIN Charles
HUGO Victor
LA FONTAINE Jean de
LAMARTINE Alphonse de
LECONTE DE LISLE Charles-Marie
MUSSET Alfred de
RICHEPIN Jean
RIMBAUD Arthur
SAINT-AMANT Marc-Antoine Girard de
SAMAIN Albert
VERHAEREN Émile
VERLAINE Paul
VIGNY Alfred de
WALLER Max )

la bergère dans le sainfoin

Nuées, eau : fuyons !
On essuie sa faune ; enfin,
on ose ses fesses.

Nicolas Graner

sans soin nous naissons
enfin saufs, nous nous fanons
nos saisons enfuies

Annie Hupé

El deshospitalizado

Je suis le blanc mouton, ma bergère me presse,
L’orage d’Aquitaine abolit ma chaumière.
Il pleut sur le feuillage, et l’éclair blanc me stresse.
Vite, prends un abri ! Entends-tu le tonnerre ?

Tiens, vois notre cabane. À droite elle se dresse.
Sœur Anne, cours ouvrir l’étable de ta mère.
J’amène ma bergère, en marchant, qui s’empresse
Près de vous pour sécher : fais-lui plus de litière.

Suis-je agneau en corset auprès de ces tisons ?
Mon tant joli troupeau odore encor la laine ;
Près de moi ce mélèze flambe à perdre haleine.

Mais tu ne manges pas ce laitage ? Soupons.
Dors bien ! Voilà ta couche, y arrive Morphée.
Ne rougis pas, bergère à la bouche de fée.

Bernard Maréchal
(Hybridation avec le Desdichado de Gérard de Nerval)

L’hospitalisée

Acné, acné, bergère :
Herpès et blancs boutons ;
Allons sous la lumière
Soigner ces comédons.
Je vois sur ton visage
Un pus brun qui t’enduit ;
Voici que ce curage
Sèche ta peau qui luit.

Sais-tu que cet ulcère
Ne sera pas méchant ?
L’air assombri, bergère
Adroite, en arrachant
Des doigts cette membrane,
Préserve l’avenir :
L’ornière à ta peau fane,
Capable de guérir.

Ce soir, belle impubère,
Essayons le rasoir ;
Contournons ce cratère,
Et bien mieux qu’un racloir,
Il va sécher ta lie.
Apprête ta toison
Et fais fuir ta sanie.
Prends un petit coton.

Soignons bien cet ulcère,
Ta maladie de peau :
Elle vient de l’artère
Et du gigot d’agneau.
C’est maladie vénielle,
Qui te vitriola.
Nous prendrons la truelle :
La glaire périra.

Sur ton derme, la glaise
Te donne un teint de bois ;
Grattons cette falaise,
Collons-y de l’empois.
Avec un bon plâtrage
Ravivons tes appas.
Et s’il faut un sablage,
Nous n’hésiterons pas.

Rajoutons une couche,
Séchons pendant un jour ;
Demain prends une douche,
Décape tout autour,
Rouge comme un cautère.
Mais si c’est trop vilain,
C’est dans le cimetière
Que finira le soin.

Bernard Maréchal
( Homomorphisme )

Hospitalité intéressée

bergère mouillée   moutons blancs    éclair luisant
                  chaumière proche

bergère abritée     abri adroit     tonnerre roulant
                   cabane ouverte

bergère séchée    mère accueillante  tisons brûlants
                    sœur complice

                   litière soignée
                   joli troupeau
                   petit agneau
                   beau corset
                   tu ne manges pas
                   l’orage
                   t’a lassée

bergère couchée    bergère endormie   bergère baisée
                   bergère épousée

Bernard Maréchal
( Morale élémentaire )

Sous les pluies, la chimère.

Il entend, il passe, nuage,
Cours tes immenses ciels ;
Glissons sous mon galet,
Côte, vite, dédions.
Je penche sur la houle,
L’ouragan qui dit à longs pas :
Voici, voici la crinière ;
Voilà le sable qui danse.

Écoutes-tu la dune ?
Elle s’étend en bêlant ;
Coule une bise, flanc
À ma déchirure, en murmurant :
Je taris notre éclair,
Et, frémis, voici haïr
Mon bord et mon toit, girouette,
Qui accablent la minute asséchée.

Glacé martinet, funèbre orage, mon sol,
Mon vol, arbre, noir jardin ;
Je tressaille ma toile
Près de vous pour ces cimes.
Ranime, livre-toi, ma pluie,
Auprès de notre goutte ;
Feuille, multiplie-lui tonnelle,
Brisez, hurlants arceaux.

Juxtaposons bien, ô ma marche !
Son tant convulsé perron ;
Riez plus de cascatelles
À ses fiévreuses dentelles.
C’est posé : allongeons près d’elle.
Eh bien ! Donc, te voilà
En fronton ? Qu’elle s’incline obsédante !
Mon chemin, recueillez-là.

Amusons-nous : soulève ce ruisseau ;
Tu provoqueras près de moi.
Ce torrent de flots
S’étendra devant toi :
Ris de ces coquillages.
Mais tu ne te recouches pas ?
Tu te voles de la pitié ;
Il a passé tes fleurs.

Eh bien ! Voilà ton feuillage,
Chantes-y jusques aux jasmins ;
Mire-moi sur tes pétales
Exhume une belle-de-nuit de l’astre.
Ne jonche pas, rayon,
Mon volubilis et moi, demain,
Nous tomberons chez ta cloche
Lui recourber tes vrilles.

Bernard Maréchal
(Chimère : le texte source T, « Il pleut Bergère » voit ses substantifs, ses adjectifs, et ses verbes remplacés dans l’ordre par ceux de trois textes cibles, choisis sur le thème de la pluie :
S, Pluie, de Théophile GAUTIER,
A, La pluie, de Maurice ROLLINAT,
V, Le chant de l’eau, de Émile VERHAEREN )

Au bar de l’églantier

Il pleut, il pleut fillette
courons nous abriter,
je vois une guinguette
j’y boirai ta beauté,
dans son ombre en cachette
en ôtant nos cirés
nous serons tête-à-tête
l’un vers l’autre attiré.

Le devenir s’apprête
la possibilité
que je te décorsète
sans bénédicite.
Mais le barman tempête
l’autre l’a piraté :
« Quoi pour vous deux, piquette
bière, soda, du thé ? »

Rien que le bleu fillette
de tes yeux, envoûté
j’y vais faire trempette
y boire, y habiter.
Ton regard, ma poulette
ton visage enchanté
je serai le poète
de ton éternité.

Fred Léglantier, Le Mouton qui mouille (2013)
P/O Annie Hupé
(Hybridation avec le texte « Le bistrot » de Ian Monk, texte proposé par Zazie mode d’emploi pour  l’Oulipien de l’année)

Etrange fin de bal

Miteux, piteux, bébête
Crève gênants boutons
A front, cou, bras. Mauviette.
Hé ! Peste kiffe adon ?
Lent, Pendu le seuil  passe,
Beau, qui monde à sang duit.
Toi, dis-moi, si Mort chasse,
Bois damné lait qui nuit.

Prends, Pendu, le poète,
Si route, en cahotant,
Fend un lacs, s’y déjette,
Maladroite, en tâtant.
Le Froid pose sa patte :
Eh bien, soit. Tire lit,
Arrête ébats, coeur mate
Qui contrecarre oubli.

Prompt, droit, son doigt m’appelle.
Ah voeux à démon noir
Altèrent ma cervelle.
Et je cours tout le soir,
Crâne fêlé, sac vide,
Dauber ce corps girond,
Coeur, chair, suif, don tacite :
L’enfer me prit, mourons.

Boisson bientôt amère,
Mon sang sort, gin nouveau,
Flot né d’une rivière
A fond de gris caveau.
J’étais l’arçon des èves,
Terrien ! L’on me doit l’art
D’enjôler : quelle est sève ?
A terre, broyé, jars.

Où donc vent sème graine ?
Sur le parterre froid
Celant l’eau de géhenne
Nu et ras et sans croix.
Trouble je renais, hâve,
Laid. Sur l’étrange tas
Brut, je pends, grelot grave,
Pris à qat et ecsta.

N’est rien Loi, s’abat foudre
L’or y brûle. L’autour
Saigne, noir sur la poudre.
Tremble un air létal, lourd.
Je souris à ces pestes.
Ma ferme et roide main
Fouit mon legs, mon reste.
Puis le cancer bat grain.

Noël Bernard-Talipo
( Homovocalisme – le titre en anagramme de l’auteur de la chanson)

La bergère et le pot-au-feu

Perrette dans la tête ayant un Pot au feu
Bien mijoté en cordon bleu,
Prétendait cuisiner un beau mouton à l’huile.
Mais l’orage venant, elle allait à grands pas,
Espérant la chaumière et l’abri d’une tuile,
Car mouton foudroyé ne fait pas bon repas.
Notre bergère ainsi mouillée
Entendit la voix éraillée
D’un bellâtre fort laid, employé comme agent
Du chef de l’Hôtel-Dieu. Il faisait la corvée…
Il la prit par la main et lui dit : « C’est urgent,
Le tonnerre a grondé, gracile
Délurée, ô poulette au moutonnier blason ;
Ma cabane n’est pas fragile,
Je ne peux te laisser mourir sous les frissons.
La porte est bien graissée dans l’étable aux moutons.
Ma mère est accueillante et ma sœur raisonnable :
On ne te vendra pas l’assiette de jambon,
Nul ne t’empêchera de te mettre à la table.
Pour le prix d’un baiser tu verras du nouveau…
Je te verrai sécher au milieu de l’hutteau. »
Perrette là-dessus, sautée et transportée,
Le corset tombe : adieu vertu, bonjour nuitée !
La dame le sait bien : coucher à l’œil ? Proscrit !
Sans rancune ainsi étendue,
Bien tisonnée elle sourit
Sans grand danger, et dévêtue.
Bien abrité, selon son souhait,
Elle a sauvé l’agneau de lait.

Quel conscrit ne bat la campagne
En espérant trouver compagne ?
Une Nicole rousse, une bergère douce,
Dont le corsage et la frimousse
Valent bien qu’on se mouille et qu’on porte rescousse.
On flatte sa blancheur, on lui montre sa flamme,
Quand elle est gironde, on la trousse.
Grâce au tonnerre on monte un drame,
On lui fait peur, on fait le brave, et ça suffit :
On l’escorte, ravie, au trône du défi ;
Le lit est roi, il pleut à peine,
On la remmène vite à son père pleurant,
Sans accident. Sait-il qu’on a fait la fredaine ?
Il n’y eut pas délit flagrant.

Fabre Libertine.
P/O Bernard Maréchal
(Hybridation avec la fable de La Fontaine)

Les bisous

La bergère était nue, et conduisait son chœur,
Moutons qu’elle gardait sous l’orage sonore,
Et le chiche feuillage offrait à la lueur
De l’éclair vigoureux un abri aux pécores.

Le tonnerre approchant, elle sentit son cœur
Battre et rouler craintif dans sa poitrine fière,
Et, ravie en extase, vit venir son vainqueur,
Le pâtre généreux proposant sa chaumière.

Il ouvrit son étable au troupeau déprimé,
Et sa mère et sa sœur soufflèrent sur la braise,
Ranimant les tisons au mélèze allumé
Qui, comme elle, chauffait autant qu’une fournaise.

Les yeux fixés sur lui, prête à tout bécoter,
D’un air vague et rêveur elle séchait, si rose
Que sa candeur unie à sa docilité
La faisait agneau neuf dont le berger dispose.

Dans son corset étroit, faisant saillir ses seins,
Sa taille était mobile, et la litière indigne
Réchauffait ses moutons larmoyants et sereins ;
Ensuite elle s’assit à la table bénigne.

On soupa de laitage et d’un repas frugal.
Puis l’heure du repos sonna, et sans chemise,
Et sans rien déranger, le berger libéral
Sut calmer sa misère à la couche promise.

Il croyait voir en elle un ange du destin,
La blanche Calliope, et sur sa bouche en herbe,
Il gagna la bataille et surprit le butin
Que jusqu’au jour sans fin, il lutina, superbe !

Mais l’orage fini, il fallut bien partir,
Et comme le péché commis dedans la chambre
Exigeait une excuse, chacun d’eux, sans rougir,
S’amenda, et promit le mariage en décembre.

Charme Gourgandine
P/O Bernard Maréchal
(Hybridation avec « Les bijoux » de Baudelaire )

La chanson de Gille et Jehanne

Gille et Jehanne sa commère,
Moutons pressés sous le feuillage,
Rencontrèrent une chaumière
Et s’abritèrent de l’orage.

Gille et Jehanne la bergère
S’approchèrent d’une cabane,
Et sous la pluie la brave mère
Ouvrit l’étable avec sœur Anne

Gille et Jehanne se séchèrent
Et firent bonne compagnie.
Près des tisons, plus de misère,
Petite sœur fut accueillie

Gille et Jehanne à la litière
Mangèrent le petit agneau,
Et sans corset, et sans colère,
Tuèrent le joli troupeau

Gille et Jehanne ont faim légère,
Ils soupent cul sur une chaise,
Brûlent maison de la fermière
Avec un flambeau de mélèze.

Gille et Jehanne ont fait prière.
Ils s’embrassent à pleine bouche.
Ils iront demain tuer père,
Et puis baiser dessus sa couche.

Gille et Jehanne font la guerre :
Elle ira tuer des Angloys,
Gille ira baiser petit frère.
Tous deux brûleront sur le bois.

Macabre de Jeannine
P/O Bernard Maréchal
( A la manière de Villon, à la rencontre de Tournier )

Le sosnet de l’hospitalité
Le sosnet du morse alité

Ce sont tes moutons mouillés ? J’entends qu’il pleut trop.
Je veux bien t’aider chère bergère : ils sont blancs.
À grand bruit sonne l’éclair, l’orage est si gros !
Je sais un abri : voici l’étable, un bon plan.

Ma mère est ici, Anne sœurette est là-haut.
C’est un beau troupeau. Entrez, venez, tire au flanc !
Près de nos tisons, agneaux, moutons, tous au chaud !
À la table enfin, mangeons joyeux ce beau flan.

Eh bien ! sans corset, chérie, hélas, tu es belle !
Vois-tu mon flambeau ? Touche, chauffe tes deux mains.
Tu sens mon amour ! Laisse baiser tes beaux seins.

Ne sois pas timide, accepte aussi que je bêle !
Veux-tu, sans rougir, venir baiser près du four ?
Ton père est couché, laissons pleuvoir dans la cour.

Table de Frangine
P/O Bernard Maréchal
(Sosnet, une contrainte proposée par Nicolas Graner : c’est un sonnet dont chaque vers écrit en langage morse un SOS : trois mots brefs, trois mots doubles, trois mots brefs)

Bergère gère un doux douzain bègue

Eh ! belle bergère, gère tes mous moutons !
L’éclair clair luit ici : vois que l’orage rage !
Si le tonnerre n’erre, il va tomber belle eau.
Viens donc te sécher chez ma bonne mère amère.
Après l’étable, table ? Et si tu manges, ange,
Luira le flambeau beau, et c’est lui qui chaud chauffe.
Dans notre autre cabane, Anne te tendra draps.
Voilà qu’au joli lit ton corset s’est défait ?
Déjà nous voilà las de ces baisers aisés,
Encore corps à corps, l’âme à la litière hier ?
Après coup, courons plaider des deux mains demain,
Et coucher chez ton père, lui demander des dés.

Bernard Maréchal
(Poème pour bègue)

Centon sous la pluie, en canon

Ô bruit doux de la pluie Bergère vite allons Pour un cœur qui s’ennuie Rentre tes blancs moutons Quelle est cette langueur Sans doute le tonnerre Qui pénètre mon cœur Prends un abri bergère Sans amour et sans haine Eh bien voilà ta couche,
Mon cœur a tant de peine
Laisse moi sur ta bouche Alain Zalmanski
( Centon sur « Il pleure dans mon cœur » de Verlaine )

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Germinal

On trouvera ci-dessous l’ensemble des haïkus du Sankulipo pour le mois de germinal.

21 mars – 1er germinal – Primevère

Prier : rêverie…
Errer pépère… Périr !
Pire, même : vivre !

( Guy Deflaux : beau présent )

22 mars – 2 germinal – Platane

A l’appel pétant
Le Pape épate Atalante
Tenant la patène

( Guy Deflaux : beau présent )

23 mars – 3 germinal – Asperge

Sa rage passée
Serge agrège sa paresse
A sa passagère

( Guy Deflaux : beau présent )

24 mars – 4 germinal – Tulipe

Il palpite, pâle…
il pelote la louloute.
Au pieu, peau à peau !

( Marie-Noëlle Bertrand )

25 mars – 5 germinal – Poule

Epopée loupée
Poêlé le poulpe pollue
Ô ! Le popo pue !

( Guy Deflaux : beau présent )

26 mars – 6 germinal – Bette

Bête, Bébé tète
Bébé tète et Bébé bée
Bébête tétée

( Guy Deflaux : beau présent )

27 mars – 7 germinal – Bouleau

La belle a le ‘bulbe’…
L’abbé la loue : l’aube bée…
« Ô ! Le beau bébé ! »

( Guy Deflaux : beau présent )

28 mars – 8 germinal – Jonquille

Loque, quoique jeune
En juin, il nique Junon :
Elle l’enquiquine

( Guy Deflaux : beau présent )

29 mars – 9 germinal – Aulne

Elan annuel
Nue elle ulule à la lune
Nulle, la nana !

( Guy Deflaux : beau présent )

30 mars – 10 germinal – Greffoir

Rire, foire, orgie
Egérie gorge griffée
Féérie foirée

( Guy Deflaux : beau présent )

31 mars – 11 germinal – Pervenche

Au chêne penché,
Venu cacher une peine,
Cœur à nu, rêvai.

1er avril – 12 germinal – Charme

Ma mère, cramée,
Cherche à m’arracher ma came
Mâche, crache… : Echec !

( Guy Deflaux : beau présent )

2 avril – 13 germinal – Morille

Momie, le limier !
L’œil miro, l’oreille molle,
Le méli-mélo !

( Guy Deflaux : beau présent )

3 avril – 14 germinal – Hêtre

Être hère éthéré
Être Rhète et te terrer ?
Errer : T.E.R. !

( Guy Deflaux : beau présent )

4 avril – 15 germinal – Abeille

Elbe … La belle île !
La bible… Bal à Babel
Là, l’abbé il baille.

( Guy Deflaux : beau présent )

5 avril – 16 germinal – Laitue

O ta loi létale
Ote de l’étoile l’œil
Et d’Eole l’aile

6 avril – 17 germinal – Mélèze

Allez-y mollo !
La zouloue émue zézaye.
Là, mezzo, zazous !

( Marie-Noëlle Bertrand )

7 avril – 18 germinal – Ciguë

Ceci ÉGÉE : gué !
Ceci, GUCCI : guige, écu
Ici gigue : GIEC !

( Guy Deflaux : beau présent )

8 avril – 19 germinal – Radis

Dard raidi dira
A dada à sa Raïssa
(Aida, si assis…) !

( Guy Deflaux : beau présent )

9 avril – 20 germinal – Ruche

Erreur cher curé :
Rechercher hure crue, huche ?
Echec : heure échue !

( Guy Deflaux : beau présent )

10 avril – 21 germinal – Gainier

Ni génie, ni âne
N’érige Anne en égérie
Rengaine gnian-gnian

( Guy Deflaux : beau présent )

11 avril – 22 germinal – Romaine

Marinier en mer
N’a rien ramené, amer
Ma mère en amarre

( Guy Deflaux : beau présent )

12 avril – 23 germinal – Marronnier

Une main amie
M’a ramené à mon rire,
Moi, morne rimeur.

13 avril – 24 germinal – Roquette

Roué, torturé…
Que quêter, que tortorer ?
Tourte et rototo !

( Guy Deflaux : beau présent )

14 avril – 25 germinal – Pigeon

Pan ! Un gnon, ippon
inopiné, un nippon
poupin a gagné.

( Marie-Noëlle Bertrand )

15 avril – 26 germinal – Lilas

Il alla à Saïs
Là il a saisi Lisa
Lisa l’a sali !

( Guy Deflaux : beau présent )

16 avril – 27 germinal – Anémone

Némo, on me nomme
Ma môme ânonne mon nom
Manon : ma nana !

( Guy Deflaux : beau présent )

17 avril – 28 germinal – Pensée

Ses pépées pesées
NS en pense « nénés »
Pense ENSEP, NS !

( Guy Deflaux : beau présent )

18 avril – 29 germinal – Myrtille

Le termite trime
Tire le myrte et l’étire
Tri millimétré

( Guy Deflaux : beau présent )

19 avril – 30 germinal – Couvoir

Ouvrier couvreur
A rayé verrière. Avoue.
– Viré, va crever !

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Ventôse

On trouvera ci-dessous l’ensemble des haïkus du Sankulipo pour le mois de ventôse.

19 février – 1er ventôse – Tussilage

Sous les gaies saillies,
les gags salés à gogo,
seul, l’Auguste sait.

( Marie-Noëlle Bertrand )

20 février – 2 ventôse – Cornouiller

Ne recueille ici
ni l’innocence incolore,
ni l’encre colère.

( Annie Hupé )

21 février – 3 ventôse – Violier

verrouille le livre
ouvre le réel au rêve
éveille la louve

( Annie Hupé )

22 février – 4 ventôse – Troène

Ta terrine étonne !
Ta truite attire rentier,
Reine ou roturier.

23 février – 5 ventôse – Bouc

Abbé ébaubi
Aboie  » Cacao ou boue ?  »
A ce bouiboui bio

24 février – 6 ventôse – Asaret

O triste satyre
Ta rosière t’a rossé
Tu sors essoré

25 février – 7 ventôse – Alaterne

Le train ralentit,
La roue triture le rail.
Retour. Nuit natale.

26 février – 8 ventôse – Violette

Il volte à vélo,
louvoie, lévite en volute…
Le voilà, Lulu !

( Marie-Noëlle Bertrand )

27 février – 9 ventôse – Marceau

Ai cru ! Ai couru !
O rue où crime a commerce.
Mourir. Comme ça.

28 février  – 10 ventôse – Bêche

Ce bobo cocu
Hocha caboche, ébahi.
Bouche bée, a bu.

29 février – 6e sans-culottide – Révolution

Ce jour spécial ajouté pour l’année bissextile a fait l’objet d’une invitation à contributions en belle absente. Vous trouverez ces contributions sur la page spéciale « Révolution »

1er mars – 11 ventôse – Narcisse

En un recoin noir,
Une couseuse inconnue
Caresse ses sous.

2 mars – 12 ventôse – Orme

Où erre ma mie ?
Murmure mari ému,
Amer à mourir.

3 mars – 13 ventôse – Fumeterre

Martyre, âme forte,
Retire ta fière armure.
Au fer offre-toi.

4 mars – 14 ventôse – Vélar

Il arrive à vivre
Raillé, viré, vile larve,
Le rire à la lèvre.

5 mars – 15 ventôse – Chèvre

Echo à ce cri.
Acre aveu, cœur chaviré…
Ouvre ce verrou.

( Marie-Noëlle Bertrand )

6 mars – 16 ventôse – Epinard

Pendard de renard
Prend un perdreau pour dîner :
Rapine peinarde.

7 mars – 17 ventôse – Doronic

Un roi du crayon
Incarna un don nourri
D’un or inconnu

( Nicolas Graner : Lipogramme en hommage à Georges Perec, qui aurait eu 80 ans aujourd’hui. )

8 mars – 18 ventôse – Mouron

Rome, arène morne,
M’emmène amour à mourir.
Renierai mon Nom.

9 mars – 19 ventôse – Cerfeuil

La carafe a fui.
L’eau fouaille feuille à feuille :
Recueil effacé.

10 mars – 20 ventôse – Cordeau

Odeur adorée.
Douceur du décor ocré,
Au cœur accordé.

11 mars – 21 ventôse – Mandragore

Gamine endormie.
Gardien. Regard de dédain.
Mur nu, barreau dur.

12 mars – 22 ventôse – Persil

Après les ripailles
arrosées au reuilly rose,
s’assoupir repue.

( Marie-Noëlle Bertrand )

13 mars – 23 ventôse – Cochléaria

La cruelle cloche
Croche l’oreille à l’aurore.
L’heure écorchée hurle.

14 mars – 24 ventôse – Pâquerette

Parquer au piquet
pi, rapport trop peu pratique,
et opter pour tau.

( Nicolas Graner  pour le Pi Day  : le 14 mars se note 3.14 dans les pays anglo-saxons)

15 mars – 25 ventôse – Thon

Hyène, en tâtonnant,
A atteint ta haute tente
Et hante ta nuit.

16 mars – 26 ventôse – Pissenlit

L’épaule pliée,
Puissant, il pousse et la tonne
Assaille la pente.

17 mars – 27 ventôse – Sylvie

Au val, le soleil.
Soie vive sous les lilas,
s’élève l’oiselle.

( Marie-Noëlle Bertrand )

18 mars – 28 ventôse – Capillaire

Il coupe le cercle.
La colère au cœur il parle :
Oui, l’oracle pleure.

19 mars – 29 ventôse – Frêne

Roi né en enfer,
Roi noir, au feu raffiné
Enfourne une fée.

20 mars – 30 ventôse – Plantoir

Le pilote rate
Une planète riante.
Il ripe au néant.