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Oripeaux

Patte blanche

Chèvre pourquoi ces pleurs amers ?
-- C'est pour mes chevreaux
-- Tu les aimes ?
-- J'aimais
-- Quoi ?
-- Las !
La pauvre mère sanglote.
-- Chèvre !
Chèvre !
Dis-moi.
-- Mes petits,
Mes pauvres enfants,
Le loup me les a dévorés.

Je ne comprends pas
Qu'a-t-il fait ?
-- Je sais
-- Toi ?
-- Oui.
La chèvre regarde l'inconnu.
-- Parle.
-- Oh,
facile :
il a su
montrer patte blanche.

-- Qu'en sais-tu ?
-- Approche
-- Là ?
-- Là
La chèvre veut savoir.
Et
Hop !
Le loup...
c'était moi !

Joli !
Non ?
Dis !
Il engloutit sa proie, content de lui.
Bien,
Loup,
trop fort !

Brute ?
Non.
La mère a rejoint ses petits.
Tchin
tchin.

Bon
Il lave sa patte farinée.
Baste !

Et le loup, ma foi, trouva cette demeure à son goût.

Petit essai d’adaptation de la structure de bigollo à la suite de Fibonacci prolongée dans les négatifs … 5 3 2 1 1 0 1 -1 2 -3 5…, une idée proposée sur la liste Oulipo par Rémi Schulz. Aux nombres négatifs j’ai associé des éléments de dialogue interrogatifs, aux positifs du dialogue affirmatif. Aux zéros des phrases hors dialogue, sortes d’indications scéniques. Le choix s’est porté sur des strophes symétriques entre négatifs et positifs, avec comme d’habitude une diminution progressive des strophes.

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Systoles

impression, fin d’après-midi

jaune bleue
verte rouge orange
les tentes parapluies en grappe
illuminent le passage sous la voie ferrée
les enfants en lambeaux dardent leurs grands yeux tandis que tonitruant le train roule
quelques plots de béton séparent le tracé piétonnier d'étranges campeurs qui recomptent quelques gadgets à vendre à la sauvette

où vont-ils
les piétons pressés
se hâtant vers la belle gare
aux rames qui s'ébranlent au nord à l'est au sud
sans que leur regard las rencontre celui de ces enfants doux et multicolores

deux fillettes
entourent leur père
en fauteuil de handicapé
il sourit et sort d'un sac en papier l'abricot

son poignard
brille il tranche et tend
à chaque fille une moitié

la cadette
rose de plaisir

bat des mains

Bigollo, peint d’après nature.
Publié sur la liste Oulipo le 29 juin 2024.

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Scellés n’aie

Poserai dans l'urne
mon petit papier,
habitant nocturne
de ce noir guêpier.

Ô luise l'Aurore
que veut me ravir
la junte sonore
prompte à m'asservir.

À l’occasion des élections législatives imminentes, un sélénet de circonstance.
Posté sur la liste Oulipo le 17 juin 2024
.

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Oripeaux Uncategorized

il ondule

il ondule près de toi
dans son habit de feuilles mortes
il te regarde sans sourire

il renifle tes fleurs
somnole au pas de ta porte
regarde par ta fenêtre

tu ne le vois pas
parfois le vent l'emporte
puis la nuit le ramène

autour de toi
sa présence forte
sa main qui te frôle

il te suit
sa marche torte
toujours claudique

il boit
la cohorte
de tes larmes

froid
avorte
tes rêves

𝄽
sorte
l'Autre

Boule de neige fondante de strophes : chaque strophe, de structure n/n+1/n+1 , est formée de vers de longueur diminuée d’une syllabe par rapport à la strophe précédente. Pour la dernière strophe, on doit tomber sur une structure 0/1/1 et pour ce faire le premier vers est juste constitué d’un soupir (symbole musical pour un silence d’un temps).
Publié sur la liste Oulipo le 6 juin 2024.

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rite n’y a mal

aidez moi
ils nous auront toutes
yeux lourds effrayantes rumeurs
à mort ils nous assignent tels yaks loups et requins

au matin
ils nous auront toutes
yeux lutés entravées rouées

après moi
ils nous auront toutes
yeux livides

étranglées

répudiées

4 avril: Journée internationale pour la défense d’Amina Tyler. Cette jeune Femen tunisienne est menacée de mort. Ce texte est un acronyme itéré sur le nom d’Amina, composé en bigollo. Comme souvent dans mes poèmes, le titre est une anagramme.
Posté sur la liste Oulipo le 23 mars 2013

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Belem

Le Belem est entré,
bel emblème des rêves.
Espérez belle trêve
en ces temples serrés.

Des éphèbes verrez
en cette fête brève
déferler en ces grèves,
en légende ferrés.

Versent lèvres de fer
des prêtres de l'enfer
des versets et des gestes.

Dès l'été regelé
de ces révérends prestes
serez décervelés.

Entrant à Marseille le 8 mai, le Belem, monovocalisme en E, m’a inspiré par sa sonorité la forme de ce poème montrant peu d’illusions sur la sincérité de l’idéal olympique en France.

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Le principe de réalité

Je vais te tuer.
Pourquoi vas-tu me tuer ?
Parce que j'ai peur.

Ce n'est pas vrai, tu le sais.
De moi tu n'as nulle peur.

Je vais te tuer
parce que tu es impur
et répands le mal.

De moi, de toi, du soleil,
de la mer, tu ne sais rien.

Parce que ton chef
a décrété le malheur
je vais te tuer.

D'un homme tu hais la foudre,
de cent te repaît la chair.

Qui porte un nom autre,
et revêt d'étranges frusques,
je dois le tuer.

Ton oreille ne m'entend,
ton regard glisse sur moi.

Puisque je suis fort
et que ton dos est courbé
je vais te tuer.

Tu vas sans amour ni joie.
Seul t'est connu le mépris.

Je vais te tuer
car mes muscles sont bandés,
parés à l'attaque.

Allons, cœur privé de flamme,
dis-moi quelle ombre te pousse.

Je vais te tuer
car j'aime voir sous ma griffe,
sombre et chaud, le sang,

sentir des os la fracture.
Je suis le fauve qui tue.

Alors qu’un renku est en principe une œuvre collective, il est ici composé en solitaire : on appelle ça dokugin.

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Oripeaux

La fugue de la fillette

Le portail de bois noirci par les ans s’ouvrait sur un sombre passage dont la voûte basse laissait deviner à son extrémité la courette enserrée entre des murs aux pierres sculptées de figures grotesques.

On vit paraître dans la lumière empoussiérée une fillette sale et malingre serrant sur son cœur une poupée désarticulée.

Le portail de bois noirci par les ans s’ouvrait. On vit paraître un sombre passage. La lumière de la voûte basse empoussiérée laissait deviner une fillette. Sale à son extrémité la malingre courette serrait son cœur. Une poupée enserrée entre des murs aux pierres désarticulées sculptées de figures grotesques.

On vit paraître le portail. Le portail de bois noirci. La lumière empoussiérée par le bois des ans ouvrait un sombre passage à une fillette noircie par les ans. La voûte basse s’ouvrait, sombre et sale, lui laissant le passage. On devinait ses extrémités malingres sous la voûte qui la serrait. Dans la courette son cœur se laissait enserrer entre les murs dont se devinait l’extrémité des pierres sculptées.

Une poupée dans une courette, une figure enserrée entre des murs.

Sous ces curieuses pierres le portail de bois sculpté s’ouvrait sur un vieillard grotesque. Il agita des bras désarticulés et sa maigre figure, sombre dans le passage noueux, poussa un cri terrible qui résonna, grotesque, sous la voûte basse. La cour laissait deviner la fillette qui disparut à son extrémité.

On vit paraître ce curieux vieillard dans la lumière entre les murs empoussiérés. La fillette agita des pierres de ses bras sales et malingres. Serrant sur son maigre cœur une poupée à la figure noueuse, elle poussa un cri terrible qui résonna, grotesque, dans la cour. Et la fillette, désarticulée, disparut.

Un curieux vieillard agita des bras maigres et noueux, poussa un cri terrible qui résonna dans la cour.

Le portail -ce portail de bois noirci par les ans- Le portail de bois s’ouvrait sur un sombre passage. La voûte basse, le bois noirci, laissaient deviner les ans. S’ouvrait à l’extrémité du sombre passage noirci par les ans une courette. La voûte basse s’ouvrait, sombre passage enserré qui laissait deviner à son extrémité les murs de la courette. Des pierres sculptées, une voûte basse, laissaient deviner une figure à l’extrémité grotesque enserrée entre les murs. Pierres d’une courette enserrée entre des murs sculptés. Pierres sculptées de figures. De figures grotesques ! Grotesques !

Et la fillette disparut.


Grand admirateur de Jean-Sébastien Bach, que je pense être l’un des plus purs Oumupiens, j’ai cherché  -un peu à la façon de Douglas Hofstadter dans son monumental Gödel, Escher, Bach–  à quoi pourrait ressembler un équivalent littéraire d’une fugue à trois voix. La fugue a sur moi un effet presque hypnotique et je me disais qu’il pourrait en être de même en écriture. Je ne suis pas sûr d’y être parfaitement parvenu, mais c’est en tout cas très curieux comme exercice.
Dans ce texte on voit apparaître un sujet
« Le portail de bois noirci par les ans s’ouvrait sur un sombre passage dont la voûte basse laissait deviner à son extrémité la courette enserrée entre des murs aux pierres sculptées de figures grotesques. »
et un contre-sujet
« On vit paraître dans la lumière empoussiérée une fillette sale et malingre serrant sur son cœur une poupée désarticulée. »
(Une différence avec la fugue musicale est que cette seconde phrase est d’abord exposée seule avant d’être mêlée au sujet en contrepoint)
Dans le développement qui suit, un second contre-sujet fait son apparition
« Un curieux vieillard agita des bras maigres et noueux, poussa un cri terrible qui résonna dans la cour, et la fillette disparut. »
Le poème s’achève par une strette où les trois voix entrelacent le sujet, puis en l’absence de cadence, d’un court élément du second contre-sujet.
La première de ces trois phrases décrit une maison réelle vue dans un vieux village ardéchois.
Posté sur la liste Oulipo le 1er décembre 2019.

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Oripeaux

Ô vide

Au commencement était le verbe
et l'aube viride en son délire
figea l'instinct tiède des fils d'Éli.

D'horribles grimoires signés d'esprits forts
sur l'horizon gris ont brisé le sens connu.

Au soir fondit l'ordre triste du sang
et par un poison pur vint enfin l'amer
ciel sans but où a dormi l'homme vil.

Ô vide sauvant seul nos unions
tu domines l'art le vin chaud l'amour.

Sans un son file l'insolent charme du Mal
et par un poison pur vint enfin l'amer.

Jeu de la vie à partir de la première phrase de l’évangile de Jean. Comme souvent la suite est périodique ( voir ci-dessous ). Le poème s’arrête à la première répétition.
Publié sur la liste Oulipo le 10 mars 2024.

auoeeeeaieee
eaueiieeoeie
ieaiiieeeiei
oieioieieeio
uoioioieeeou
auoioioeieua
eauoiouieiae
ieauouaoioei
oieauaeuouio
uoieaeiauaou
auoieioeaeua
eauoiouieiae

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La nature des choses

Bravant le cac quarante au jeu ? Pschitt : dégommée !
Pdg (favoris, cils charmants) jusqu'au bout
va t'agonir parce qu'objet fol tu déchois.
Chante avenir blafard qu'ange en jupon suivra
tandis qu'on voit fringant champion jaillir d'un bond.

Belle absente publiée le 8 mars, journée internationale des droits des femmes.

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