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À supposer… pour rigoler

À supposer
qu'on me demande
que je me rende
au dieu rusé

pour rigoler,
que d'une phrase
pleine d'emphase
on dise olé

va donc clamser
ce jour ou l'autre
sans patenôtre
et sans danser,

je souhaiterais
larguer l'amarre
tenir la barre
sans bords tirés,

laissant des ports
ces murs saumâtres
sombres théâtres
de mes transports,

et droit devant
vers le grand large
mener ma barge
le froid bravant,

les yeux jetant
sur ma boussole,
quand se désole
le vent d'autan

qui se souvient
de l'allégresse
de ma jeunesse
qui ne revient

où, fort et droit,
j'allais en liesse
jouer ma pièce
le verbe adroit

sans voir germer
un fin sourire
sur ma satire
non réprimé

chez les gens bien
qui vous dominent
de l'âpre mine
de l'amphibien,

j'irais au bout
de ma dérive
sur l'eau lascive
au vent debout,

en me tournant
voyant la berge
une ardeur vierge
me reprenant,

lançant un chant
fier et sauvage
rejoindrais l'âge
du jeu méchant

et lors, le front
tendu vers l'onde,
quittant le monde
sans un affront,

par un plongeon
que je m'élance
dans le silence
de l'esturgeon

et, dans la nuit,
que je m'écrase
touchant la vase
et son ennui.

Petite évolution de la contrainte « À supposer… » de Jacques Jouet, qui normalement désigne un texte en prose de 1000 signes au moins formé d’une phrase unique, et débutant par « À supposer qu’on me demande ici de… ». J’ai laissé tomber les deux derniers mots de cette formule. Mais surtout la principale entorse est que ce poème est en vers. Je me suis efforcé d’utiliser des rimes toutes différentes. Toute ressemblance avec un célèbre poème d’Arthur Rimbaud n’est qu’une pure coïncidence.
Publié sur la liste Oulipo le 1er février 2024.

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Oasis d’un rêve nu

Ô l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux
Arrondis pour mieux voir poindre un cortège d'anges
Sur leurs luths égrenant des mélodies étranges !
Île qui m'accueillit, naufragé studieux,
S'échouant d'une mer que n'animent les rides
D'aucun élan courant ses stagnations virides.
Un solitaire pas d'errances pénitentes
Nuitamment devant moi fit surgir, crues et belles,
Rêvantes ses splendeurs parmi d'ocres ombelles.
Ensemble allâmes loin des poteaux et des tentes
Vers le sombre refuge où les bêtes cruelles
Épousailles se font sous les fleurs éclatantes.
Nous ne parlâmes pas de nos peines latentes :
Un vent chaud effaçait consonnes et voyelles.

Une idée proposée par Pierre Lamy a été largement illustrée ces jours-ci sur la liste Oulipo : celle de poème inversé. Partant d’un poème connu, il s’agit d’en conserver le dernier vers et l’ensemble des rimes qui apparaîtront dans l’ordre inverse. Le sonnet inversé ci-dessus est composé selon cette nouvelle contrainte, à partir de « Voyelles » d’Arthur Rimbaud, selon une version augmentée dans laquelle ce sont les mots à la rime qui sont conservés. De plus le titre est repris en acrostiche.
Publié sur la liste Oulipo le 30 octobre 2023.

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