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Poteries 2024

Sur la liste oulipo sont lancées quotidiennement des propositions de contraintes qui reçoivent de nombreuses réponses auxquelles j’ai joint ces petits textes.  J’ai commencé par les classer d’après la contrainte utilisée. A partir de 2018 j’ai renoncé à ce classement trop difficile en raison du foisonnement de nouvelles contraintes proposées, et mes contributions sont classées par année.

( Désolé pour la mise à jour retardée. Ça finira par se faire ! )

14 janvier

Sur la liste Oulipo, Pierre Lamy écrit : « La contrerime est un quatrain combinant des rimes embrassées (ABBA) avec une structure métrique croisée (8-6-8-6 par exemple).
Si on y remplace les rimes par des assonances (bulbe/raffut) et si on fait en sorte que les vers impairs contrassonent avec le suivant (bulbe/galbe), on peut composer ce quatrain sans avoir la moindre idée de son thème à partir d’un seul mot-rime. » Voici un petit essai dans lequel l’ajout minimal de syllabes assure la structure de contrerime.

Éloge de la démagogie

D'un thrène
faux
ton trône
fais.

17 janvier

Participation à une salve de « haïkûlorimes » sur le thème de l’hiver par Alexandre Carret.

Mène hiver effroi.
Je l'aime, heureux. Gelé, meurs.
Mai n'y verrai, froid.

29 janvier

Une controverse faisant rage sur la liste au sujet de la textique, à laquelle je suis incapable de participer, et au sujet de la définition du beau, j’ose une petite participation sous forme d’une citation d’un texte qui n’est pas de moi, et d’un commentaire de mon cru :

Un beau poème 

Aussi,
sur le fondement
de l'article quarante neuf,
alinéa trois,
de la Constitution,
j'engage la responsabilité
de mon Gouvernement
sur l'ensemble du projet de loi
de programmation des finances publiques
pour les années deux mille vingt trois à deux mille vingt sept.
Dans ce poème déclamé le 27 septembre 2023 au Palais Bourbon, on note une maîtrise étonnante de la métrique. Les trois premiers vers ainsi que les quatre derniers en boule de neige de syllabes 2-5-8 et 6-9-12-15 encadrent deux quasi-haïkus 5-8-5 et 6-10-6, le second augmenté,  ce qui confère à l'ensemble un équilibre magistral. Une dynamique puissante résulte de l'augmentation moyenne des vers allant de 2 à 15 et s'achevant sur une noble envolée. On note également que l'unique rime féminine est placée sur l'unique alexandrin, accentuant le caractère viril et moderne du poème. À noter l'usage, moderne lui aussi, du double e de « années », ainsi que l'habile partage synérèse/diérèse entre les mots « constitution » et « programmation ».

Si l'on regarde la date 27-9-23 on note que l'on peut classer 25 entre les deux nombres extrêmes tandis que le central a pour carré 81, ce qui justifie la gématrie 2581 de ce texte.

La limpidité du sens de ce beau poème est inégalable, et l'harmonie sensible à sa lecture procure un sentiment de suavité rare dans la littérature du XXIe siècle.

30 janvier

Une floraison d’abécédaires se produisant sur la liste, voici ma participation en monosyllabes :

Ah bé c'est dur

A bu ce doux et frais gin.
Ho, il jouit ! kif ! Las : moût nuit.
- Ô paix que romps sans toi.
- Un vil web X ?
- Yes, zig.

3 mars

Un ouïseaunet, forme inventée par Robert Rapilly.

Geins, Tristan, grogne :
Las, tes cigognes
loin d'Iseut
font leurs œufs.

1er avril

Terine syllabique de circonstance.

Terrine de la mer

Dans le pot
l'eau bout : a
joli son.

D'hameçon
l'oripeau
remua.

Avril à
poasson
fit la peau.

11 avril

Nouvel ouïseaunet.

D'albatros trots,
théâtraux trop,
ailes, belles
elles, cèlent.

25 avril

Pour éviter la luxure
les beautés il ne zieuta.
Se rincer l’œil ? N'en eut cure :
ses paupières il luta.

otremandi :

Au beau corps des elfes,
gourd, haï, j'ai, kid laid, mineur orphique, résisté.
Uvée waxai : yeux zen.

Sur la proposition de Louis Couturier, la liste Oulipo a exploré la notion d’abécédaire syllabique, version de l’abécédaire où les lettres de l’alphabet ne sont pas placées au début des mots successifs mais au début des syllabes successives. Voici ma contribution.

27 avril

La gidouille grammatique, proposée par Alexandre Carret, consiste en deux lignes dont l’une se déduit de l’autre par une permutation en gidouille. La contribution ci-dessous est suivie de la jolie représentation graphique trouvée par Rémi Schulzoù les deux lignes apparaissent selon qu’on la lit de gauche à droite ou de haut en bas.

Rée amour : vie !
Ô mua rêve : ire.
     o
m u
a r
e v
e i
r e

6 mai

Homophonie express.

Dans son super plumard,
boit, mange, fait son lard,
sans révéler au monde
la bourse qu'il a ronde.

Moralité :

À beau lit, bibe l'eau, dîne, a nid. Tait son or.

7 mai

Séquence vocalique.

Iahvé nu

Israël qui t'a élu l'instance du final feu ?

11 mai

Robert Rapilly a proposé l’idée de « pitretitre », dans lequel « une forme poétique figure dans le titre, lequel est un calembour expliqué par les vers qui s’ensuivent ». Ici, la contrainte est la terine.

Terine habit tait

Sur cette île vierge
ne me parle pas
du manteau que porte.

Nul toit nulle porte.
Sous la vigne vierge
l'on ne me voit pas.

Ne trouble mon pas
nulle voix qui porte
et mon âme est vierge.

12 mai

Homophonie express.

Aimant ses doigts ailés,
il prend en ses chaussettes
cachées force pépètes :
veut appas dévoilés.

Moralité

Deux mains d'elle. Aux bas le rouble. Hanche il acque en pagne.

14 mai

Nouveau « pitretitre » : voir description au 11 mai. Le titre peut se lire « Abaissez der des der »

Abécédaire d'eider


Ah beau combat des épatants Français ! Guerriers hardis, ils jetteront kaiser, la macreuse nullarde. Oh par quelle rouerie subissent tranchées un vénéneux wargame (xénisme...) ? - Ypérite, zigomars !

23 mai

Le poème ci-dessous, outre l’isocélisme, présente une structure en 5/7/5 lettres. Alain Chevrier a nommé de tels micropoèmes, de façon joliment autoréférentielle, « HAIKU / MINIATU / RISES ».

Roi nu,
respire
et rit.

27 mai

Tenté et net

N'a ta soif, toi Dieu, or ? -- Bestial pactole, na!
Âne, lot ça plait ? S'ébroue idiot : -- Fi, ô Satan.

28 mai

Participation à un travail des Oulipotes sur l’englyn, une forme courte en honneur chez les poètes gallois.

le vieil homme s'est assis un moment
calmement sans soucis
de ses gestes imprécis
chasse les jours rétrécis

29 mai

Un second englyn, dans lequel on tente de respecter les contraintes d’allitérations que s’imposaient les poètes Gallois. Les consonnes répétées à chaque vers sont les suivantes :
Vers 1 : LKF ; vers 2 : PRLF ; vers 3 : KVZ ; vers 4 : SSN.

Celle que frôle, divine, il confond,
par le fond, perle fine
avec vase que voisine,
et sasse une ire assassine.

12 juin

Sur une idée de Louis Couturier, les Oulipotes étudient actuellement des textes « intransitifs » , c’est-à-dire qu’on y trouve des vers ou des mots vérifiant une relation A < B < C < … < M < A en un certain sens de l’inégalité < : longueur des mots dans les vers, ou comme ici cumul des comparaisons lettre à lettre des mots pour l’ordre alphabétique. Ainsi :

la +3= France +1= adore +1= le +2= nazi = l’ = as = de = fade +3= affable +1= la

Ici, on essaie une mise en œuvre de l’inégalité au sens large <= dans un texte dont le lien avec l’actualité électorale n’est pas fortuit.

Note : « fade » est un substantif argotique pour plaisir sexuel.

La France adore le nazi,
l'as
de fade affable.

Une illustration graphique m’a été offerte par Gilles Esposito-Farèse qui consacre actuellement un important travail à cette nouvelle contrainte : Une flèche relie un mot à un mot lui étant inférieur ( au sens ci-dessus ) et une absence de flèche représente deux mots de valeur égale. La voici :

27 juin

Quelques membres de la liste se sont penchés sur les textes usant de niveaux élevés de parenthèses à l’imitation de Roussel. Le texte ci-dessous est une contribution à cet échange.

Confusion

J'ai,
car...
Trop
qu'on...
Mais
crient!
Très!
Plus!
- Dit :
quand ?

L'ouït
sourd,
qu'ours
fort
sot,
qui
croit
tôt.
Veuf,
bu.

Pour reconnaître ici une contribution au sujet des parenthèses, il faut enlever toutes les ponctuations et mettre une parenthèses ouvrante avant chaque mot de la première strophe, une fermante après chaque mot de la deuxième strophe.

J'ai
(car
( trop
( qu'on
( mais
( crient
( très
( plus
( dit
( quand

l'ouït )
sourd )
qu'ours )
fort )
sots )
qui ? )
croit )
tôt )
veuf)
bu

Remis en ligne ça donne

J'ai (car ( trop ( qu'on ( mais ( crient ( très ( plus ( dit ( quand l'ouït ) sourd ) qu'ours ) fort ) sots ) qui ? ) croit ) tôt ) veuf ) bu

peut-être plus lisible en désimbriquant les parenthèses :

J'ai bu (car veuf ) ( trop tôt ) ( qu'on croit ) ( mais qui ? ) ( crient sots ) ( très fort ) ( plus qu'ours ) ( dit sourd ) ( quand l'ouït )

22 août

Une charade à tiroirs, répondant à d’autres émises sur la liste oulipo.

Mon premier, de presse
magnat, enrichit fort peu
ses feuilletonistes.

Par son déhanché
mon second ravit les dames
et les demoiselles.

Le Teuton se gausse
en découvrant mon troisième
en pareil endroit.

Pour le caribou
mon quatrième, en riant,
vient sonner l'alerte.

Tel le semainier
mon tout livre son mystère
à qui sait l'ouvrir.

… et sa solution